Sommaire
Tangun* ou le fils de l’ourse (en hangeul : 단군, en hanja : 檀君) est la figure mythique coréenne qui est à l’origine de la fête nationale sud-coréenne de Gaecheonjeol (개천절). Ceci dit, le Jour de la Fondation, célébré le 3 octobre en Corée du Sud. D’après la mythologie coréenne, il fut le petit-fils de Haneulnim (하늘님, qui s’écrit aussi Hanunim ou Hwanin), « le roi des cieux », et le fils de Hwanung (환웅). Nous avons déjà parlé brièvement de son histoire dans notre article sur le Jour de la Fondation. Mais rappelons cette histoire fabuleuse encore une fois…

En 2333 avant notre ère…
Hwanung voulut descendre sur la terre et y vivre comme un souverain. Alors, le roi des cieux établit un nouveau royaume sur la montagne Taebek (태백산) pour son fils et lui offrit aussi trois sceaux célestes.
Hwanung fonda la capitale de son État sur la montagne, à côté d’un arbre sacré, et nomma la ville « sainte », se désignant lui-même comme « le roi céleste ». Le vent, la pluie, les nuages, les céréales, toute la nature lui obéirent et son peuple fut heureux.
Un tigre et une ourse qui désiraient devenir des humains supplièrent Hwanung de les aider. Le roi leur donna une branchette d’absinthe et vingt gousses d’ail en disant : « si vous en mangez et si vous ne voyez pas la lumière du soleil pendant cent jours, vous deviendrez des humains. »
Le tigre et l’ourse mangèrent tout et se cachèrent dans une grotte. L’ourse réussit à rester dans l’ombre suffisamment longtemps pour se transformer en femme. Mais le tigre, lui, ne supporta pas cette contrainte : il bondit hors de la grotte et resta animal à jamais.
La femme-ourse fut heureuse mais elle ne put trouver d’époux. Elle pria l’arbre sacré pour pouvoir trouver un homme et avoir un enfant avec lui. Hwanung la prit en pitié, se transforma en humain et lui donna un fils. Il fut nommé Dangun, celui qui fonda plus tard l’État Gojoseon avec pour capitale Pyongyang.**

Le témoignage de Samguk yusa
Le mythe de Tangun, « bien qu’il renvoie à une période très antérieure à notre ère, il n’a été transcrit qu’en 1281 après Jésus-Christ dans les Gestes mémorables des Trois Royaumes [il s’agit de Samguk yusa (삼국유사 ; en hanja : 三|國|遺|事) – note d’auteur], une chronique attribuée à un moine bouddhiste du nom d’Il Yeon. » (Dayez-Burgeon, 2017, p. 37) Pour comparer avec l’histoire et la culture européenne, « on estime aujourd’hui que la guerre de Troie se serait déroulée au XIIe siècle avant notre ère. Un peu moins de quatre siècles la sépareraient d’Homère qui aurait composé l’Iliade entre 850 et 750. Quant à l’Histoire des rois de Bretagne de Geoffrey de Monmouth, composée au XIIe siècle, elle aurait été rédigée six siècles après le règne supposé du roi Arthur. » (Dayez-Burgeon, 2017, p. 37)
Il faudrait rappeler que le mythe de Tangun apparut dans la culture orale et ensuite, il fut transmis oralement pendant des siècles.
De plus, « le mythe de Dangun s’incrit manifestement dans une tradition chamanique pour qui les animaux, les végétaux, les fleuves et les astres constituent autant d’esprits détenteurs de forces spirituelles et potentiellement maléfiques qu’il faut se concilier par des incantations mystiques. Il confirme les conclusions des préhistoriens sur les origines septentrionales de la population et de la culture coréenne. » (Dayez-Burgeon, 2017, p. 37) Cependant, on y trouve des éléments choins également : « Hwanin, le roi du Ciel, et son fils Hwanung, avec leur sagesse civilisatrice, leur cour de ministres et leur suite de mandarins ressemblent beaucoup aux souverains légendaires de la période dite des “Trois Augustes et Cinq Empereurs” qui auraient dominé la Chine au troisième millénaire avant notre ère, avant l’avènement des premières dynasties historiques. » (Dayez-Burgeon, 2017, p. 38)
Enfin, « le mythe de Dangun serait ainsi le très lointain écho d’un victoire du clan de l’ours sur le clan du tigre, entérinée par un arbitre disposant d’un légitimité mystique. Constatant qu’en mandchou archaïque, Tangun ou Tangri signifient “maître de l’autel” ou “grand prêtre”, certains historiens ont même suggéré que Dangun ne serait pas un nom mais un titre, celui qu’aurait porté une sorte de prince-chamane que les tribus désignaient pour célébrer des rites collectifs, prendre une décision cruciale ou vouer une campagne militaire conjointe aux meilleurs auspices. » (Dayez-Burgeon, 2017, p. 39)
En Corée du Nord
Tangun ouvre la chronologie de la Corée. Son mythe, « ce récit merveilleux, qui rappelle tant d’autres fondations légendaires, les Coréens se le transmettent de génération en génération depuis si longtemps qu’aujourd’hui encore, la date du 3 octobre donne lieu au Nord comme au Sud à des festivités dignes d’une fête nationale. » (Dayez-Burgeon, 2017, p. 35) À noter que le culte de Dangun est présent en deux Corées car « à Pyongyang, si la religion continue à être dénoncée comme l’opium du peuple, manifestement, ce n’est plus le cas de la mythologie. » (Dayez-Burgeon, 2017, p. 35-36) Après, comment on distingue la religion de la mythologie est une autre question de terminologie anthropologique et théologique.
Même si selon les recherches contemporaines, Tangun est considéré plutôt comme un personnage légendaire ou mythique qu’un personnage historique, il possède son vrai tombeau en Corée du Nord. C’est un mausolée monumental, situé quelques dizaines de kilomètres au sud de Pyongyang au pied de la montagne Tabaek, donc un lieu important dans la narration mythique.



Dans la culture populaire
Dans nos articles, nous soulignons souvent que la tradition et la modernité coexistent dans la culture coréenne. Tangun n’est pas une exception. Il apparaît dans la culture populaire et dans les livres pour les enfants en tant que « sage mignon » ou « sage kawaii », d’habitude accompagné par le tigre et l’ourse, en référence directe au mythe. Et le jour de Gaecheonjeol, ce genre de représentations sont encore plus nombreuses pour des raisons évidentes.

Addenda
- *D’après la romanisation révisée du coréen (que nous essayons d’utiliser conséquemment dans nos articles), le nom de Tangun est écrit avec un « D » en majuscule. Pour autant, dans les cas où les noms propres connus ont été romanisés selon la transcription McCune-Reischauer, ou ont été transcrits en fonction d’autres méthodes, nous gardons la version déjà diffusée pour des raisons pratiques.
- **C’est un extrait de notre article Le Jour de la Fondation, publié le 27 octobre 2019. Nous rappelons que comme toute légende, tout mythe et tout conte folklorique de transmission orale, ce récit fondateur connaît de nombreuses versions et variantes. Nous vous proposons celle de Halina Ogarek-Czoj, spécialiste polonaise de la culture coréenne, dans son ouvrage intitulé Pradzieje i legendy Korei (La préhistoire et les légendes de la Corée), Warszawa : Éditions Iskry, 1981.
Bibliographie
- Dayez-Burgeon Pascal (2017). Histoire de la Corée – Des origines à nos jours. Paris : Éditions Tallandier.
Illustrations
- Image liminaire : Dangun Wanggeom (단군 왕검 ; en hanja : 檀君王儉), Chae Yong-sin (채용신 ; 蔡龍臣), XIXème siècle, peinture de rouleau
- ill. 1. Dangun Wanggeom (단군 왕검 ; en hanja : 檀君王儉), Chae Yong-sin (채용신 ; 蔡龍臣), XIXème siècle, peinture de rouleau
- ill. 2. Une représentation fabuleuse contemporaine de Tangun avec le tigre et l’ourse
- ill. 3. Tombeau de Tangun (단군릉 Dangun reung), Corée du Nord : la pyramide à degrés est une construction principale du mausolée
- ill. 4. Tombeau de Tangun (단군릉 Dangun reung), Corée du Nord : vue sur l’escalier monumental avec des statues de personnages mythiques et historiques différents
- ill. 5. Salle avec les cendres de Tangun et son épouse au Tombeau de Tangun (단군릉 Dangun reung), Corée du Nord
- ill. 6. Une représentation kawaii de Tangun avec le tigre et l’ourse
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