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Le feng shui est très à la mode en Occident depuis plusieurs années. À l’origine la géomancie chinoise, le feng shui est devenu un style, un mode de vie et une philosophie à la fois. Son équivalent coréen est le pungsu (풍수) ou le pungsu jiri (풍수지리) mais il n’est pas juste une copie du modèle chinois – c’est « une vraie invention culturelle » du Pays de Tangun, toujours en pratique.
La géomancie en Chine
Le fēngshuǐ (trad. 風水, simp. 风水) signifie littéralement « le vent, l’eau » en chinois. C’est un ensemble de pratiques qui permettent de profiter des énergies telluriques en harmonie avec toute la nature et l’univers. En Occident, il existe un terme « la géomancie » (ce nom vient de la langue grecque γεωμαντεία où il signifie « la divination par la terre ») qu’on utilise souvent pour parler du fengshui et de ses équivalents dans d’autres pays confucéens. On parle aussi de l’art de la géomancie.
L’idée principale du feng shui est l’intégrité cosmologique de la Terre et de l’univers. Les deux ont la même pulsation vitale donc les êtres humains doivent respecter cette harmonie. L’un des ouvrages basiques qui expliquèrent ces corelations-là, fut Les Rites de Zhou (周禮 Zhōulǐ, 1000 av. notre ère) où il se trouva des informations précises, par exemple que la capitale dut avoir une forme d’un carré avec un côté qui mesure neuf li (里 lǐ fut une unité de longeur dans l’ancienne Chine). Ce genre de règles et conseils permirent de construire « une ville parfaite ». À remarquer qu’un concept pareil, mais fondé sur les idées différentes, fut né en Italie à l’époque de la Renaissance – la cité idéale.
Dans l’ancienne Corée
À l’époque, le pungsu fut considéré comme une philosophie sérieuse et importante. Que ce soit un individu ou un collectif, une question d’un seul bâtiment, d’une ville entière ou même d’un terrain de tout le royaume, il fallait toujours respecter les principes de la géomancie. Sinon, les gens croyaient qu’il existait un grand risque de catastrophes naturelles et des morts subites en tant que signe de la colère des cieux.
Traditionnellement, les géomanciens utilisèrent le yundo (윤도), ceci dit une boussole spéciale qui indiqua les points cardinaux, points intermédiares et d’autres paramètres essentiels pour choissir un bon endroit pour une maison ou une tombe, entre autres eumyang (음양, deux catégories complémentaires yin et yang), ohaeng (오행, cinq éléments), palgwae (팔괘, huit trigrammes), sipgan (십간, dix tiges célestes) et tti(saengcho) (띠[생초], le zodiaque chinois).
La modernité et le pungsu
Dans l’histoire de la civilisation humaine, le conflit entre soit-disant « la tradition et la modernité » au sens propre du terme fut né à la fin de la première révolution industrielle en Europe (1780-1810). Il est enraciné aussi dans l’héritage de la Révolution française (1789-1799) qui a catégoriquement postulé la séparation de l’État et la religion, représentée surtout par l’Église catholique romaine. Ces deux événements historiques avaient initié le processus de modernisation qui a atteint le niveau mondial au fil du temps.
Dans la région confucénne de l’Extrême-Orient, historiquement, le conflit n’exista pas. C’était uniquement les colonisations occidentale et japonaise qui avaient apporté le nouveau modèle culturel, social et économique.
Il paraît qu’en Corée du Sud la tradition et la modernité vivent en harmonie aujourd’hui. Les Coréens sont traditionnels et modernes en même temps, le conflit entre la tradition et la modernité n’existe pas dans leur culture. C’est pourquoi ils ont trouvé un moyen pour profiter du pungsu au sein de la technologie. Pourquoi pas arranger un nouveau bureau de Samsung selon les principes de la géomancie si elle aide à apporter la prospérité ? Jeon Hang-soo, géomancien professionnel, a rendu des services-conseil aux grandes entreprises coréennes comme Hanwha Engineering & Construction, Daewoo Engineering & Construction et aussi à Samsung C&T. (Son, 2018)
Néanmoins, il existe des Coréens qui se méfient toujours de la technologie moderne et qui tiennent plutôt aux croyances folkloriques. D’après une enquête sociologique, « les personnes plus âgées de Uiryeong, Pyeongchang et Yeongyang disent que le bruit bizarre des turbines éoliennes sonne comme un écho horrible des fantômes et des faucheurs. » Il est intéressant aussi que « les personnes plus âgées de Jeollanam-do (Yeongam, Yeosu) et de Gyungsangnam-do régions (Uiryeong) perçoivent les turbines éoliennes comme les dokkaebi. » (J.D. Kim, 2004 ; Chung, 2018, p. 21)
Résister à l’envahisseur
À noter un roman, Le Jardin interdit (2019) de Kim Da-eun (김다은), où le pungsu est un motif principal. Il raconte l’histoire d’un gouverneur japonais en Corée (pendant l’occupation japonaise 1910-1945) qui veut construire une nouvelle résidence suivant les règles du pungsu. Cela pose un problème aux géomanciens coréens qui hésitent entre leur devoir professionnel et la volonté de résister à l’envahisseur.
ill. 6. Une statue d’un dokkaebi au parc écologique Hanusan (한우산 도깨비숲) ; au fond : des turbines éoliennes, Corée du Sud
Bibliographie :
- Chung Jibum (2018). Korean traditional beliefs and renewable energy transitions: Pungsu, shamanism, and the local perception of wind turbines. In: (2018) Energy Research & Social Science, December.
- Son Ji-hyoung (2018). Master calls for Korea to bring geomancy into open (Herald Interview). In: (2018) The Korea Herald, 22.06.2018
Les illustrations :
- Image liminaire : L’édition coréenne du livre Le pungsu : l’histoire, la théorie et la critique (풍수 역사·이론·비평 Pungsu yeoksa iron bipyeong, 2018) de Bak Jeong-hae (박정해)
- ill. 1. Un modèle qui présente symboliquement l’idée du pungsu ; au-dessus : les caractères chinois traditionnels 風水 qui signifient le feng shui en chinois et le pungsu en hanja ; au milieu : une boussole avec l’équivalent chinois de la rose des vents : 北 – le nord, 南 – le sud, 西 – l’ouest, 東 – l’est et les points intermédiaires ; au-dessous : 서울 경제 (Seoul gyongje) – l’économie de Séoul.
- ill. 2. Plan contemporain de la Cité interdite à Pékin
- ill. 3. Plan de Palmanova en tant que cité idéale, 1593
- ill. 4. Plan contemporain des tombes royales traditionnelles, construites d’après les principes du pungsu
- ill. 5. Un manuel pour l’utilisation du yundo de 1848
- ill. 6. Une statue d’un dokkaebi au parc écologique Hanusan (한우산 도깨비숲) ; au fond : des turbines éoliennes, Corée du Sud
- ill. 7. La couverture du livre Le Jardin interdit (2019) de Kim Da-eun
Née en 1993, Polonaise. Diplômée d'une licence en cultures d'Extrême-Orient (Université Jagellon de Cracovie - Pologne, 2012-2015) et d'un master en Arts Libéraux (Université de Varsovie - Pologne, 2016-2018). Étudiante en master à la Faculté des Études Asiatiques à l'Université Jagellon de Cracovie depuis 2021. Fascinée par la civilisation confucéenne et par les interactions interculturelles. Collaboratrice avec Planète Corée depuis 2018.
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