Le coronavirus est devenu le sujet principal ces derniers temps. Il a dominé les médias et a forcé plusieurs gouvernements à mettre en œuvre des moyens de sécurité sanitaire. On pense immédiatement à La Peste d’Albert Camus.
Les débuts
Tout a commencé fin décembre 2019 en Chine, dans la ville de Wuhan (武汉). Au cours des semaines et des mois suivants, la maladie a affecté tout l’Extrême-Orient puis d’autres continents, pour être déclarée finalement comme une pandémie.
D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la maladie désignée par le code médical COVID-19 est un phénomène nouveau, découvert en 2019 et non identifié chez les humains auparavant. Il appartient au groupe de coronavirus qui sont zoonotiques, c’est-à-dire transmissibles entre les gens et les animaux. Il affecte surtout l’appareil respiratoire et ses symptômes sont la fièvre, la toux, l’infection respiratoire ainsi que d’autres troubles de la respiration . [1]
Après trois mois de combat, de villes verrrouillées, de gens isolés et désinfectés, la Chine a réussi à limiter la propagation du virus : « La Chine s’est félicitée jeudi [20.02.2020 – note de l’auteur] d’une baisse spectaculaire du nombre des nouvelles contaminations par le coronavirus, mais l’inquiétude monte au Japon, avec la mort de deux ex-croisiéristes, et en Corée du Sud, avec un premier mort et un cas de transmission massive. » [2]
Ironiquement, c’est lorsque la Chine vient de parvenir à réduire le nombre d’infections, que l’Europe et la Corée du Sud « acueillent » la maladie : « Un premier Européen infecté par le coronavirus est décédé vendredi soir en Italie, alors que le nombre de nouvelles contaminations chute en Chine, mais double presque en Corée du Sud. » [3]
En Corée du Sud
Le coronavirus est arrivé très vite. En février, la situation a atteint le sommet de la crise quand le nombre de nouveaux malades continuait à augumenter : « L’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui s’inquiétait notamment de l’évolution de la situation en Corée du Sud et en Iran, a appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour endiguer la propagation du coronavirus. » [4] Les chiffres changeaient tous les jours :
- La Corée du Sud a confirmé vendredi [21.02.2020 – note de l’auteur] 100 nouveaux cas de nouveau coronavirus (COVID-19), portant le nombre total d’infections à 204. [5]
- La Corée du Sud a signalé 142 nouveaux cas d’infections, portant le total du pays à 346. Sur les 142 cas, 131 proviennent de Daegu, quatrième ville en importance, et des régions voisines, la plupart liés à une église et à un hôpital dans le comté de Cheongdo. [6]
La question de Daegu est devenue suffisament sérieuse pour inviter les habitants « à ne pas sortir et à porter des masques même à l’intérieur de leur domicile pour endiguer une nouvelle infection. » [7] De plus, c’est dans cette ville que des membres d’une secte chrétienne, l’Église Shincheonji de Jésus (신천지), ont été infectés par le virus :
- Le pays compte désormais 346 malades dans un nombre croissant de régions. Parmi les personnes contaminées, 38 ont été découvertes parmi les fidèles d’une secte chrétienne. [8]
- Des membres de l’Eglise de Jésus du Nouveau Monde ont été infectés par le coronavirus. [9]
- Une secte sud-coréenne est devenue l’un des premiers foyers de coronavirus SARS-CoV-2 hors de Chine, derrière le paquebot Diamond-Princess. Quelque 82 membres d’un mouvement puissant et controversé, l’Eglise de Jésus Shincheonji (nouveau monde), ont été contaminés dans la ville de Daegu et dans la province du Gyeongsang du Nord. La situation inquiète d’autant plus le gouvernement qu’il s’agit des premiers cas de transmissions locales, non liées à des déplacements à l’étranger. Le nombre de cas dans le pays a bondi de 125 en seulement trois jours, pour atteindre 156 cas vendredi 21 février. Une première mort a été signalée. [10]
- Fidèle de la secte chrétienne l’Eglise Shincheonji de Jésus, cette malade a participé, ces derniers jours, à plusieurs cérémonies et événements de ce culte controversé sans avoir pris conscience qu’elle était porteuse du virus. N’ayant pas séjourné à l’étranger, elle pensait souffrir d’un simple rhume. Selon le KCDC [Korea Centers for Disease Control and Prevention – Le Centre coréen de contrôle et de prévention des maladies – note de l’auteur], elle a assisté, malgré sa fièvre, à des services religieux impliquant un millier de personnes dans une chapelle étroite où la promiscuité est forte. Informée, la secte – fondée dans les années 80 par un prophète qui est adoré par ses 100.000 fidèles comme un « second Jésus » – a ordonné la fermeture de ses 74 sanctuaires dans la péninsule et commencé la diffusion de messes sur YouTube. [11]
La secte est controversée elle-même à cause de son fondateur, Lee Man-hee (이만희, né 1931), qui a été accusé d’être « un faux prophète ». Et dans cette période épidémiologique, il n’a pas prévenu ses fidèles contre le risque des pratiques religieuses collectives. Finalement, le 2 mars il a présenté officiellement ses excuses pour avoir contribué à la propagation du virus.
La Corée du Sud a dû réagir aussi dans le cas du « Diamond Princess », fameux navire de croisière : « Les 3 711 personnes originaires de 56 pays initialement à bord du Diamond Princess ont vu une croisière de rêve en Asie tourner au cauchemar lorsque l’épidémie s’est répandue parmi les passagers, occasionnant plus de 540 cas. (…) Plus de 100 Américains demeurent encore sur le Diamond Princess. La Corée du Sud a affrété un appareil et rapatrié six de ses ressortissants. » [12]
Enfin, le gouvernement sud-coréen a réussi à limiter la propagation du virus. Trois semaines d’efforts intensifs mais sans solutions extrêmes, ont apporté des résultats positifs :
- Le 13 mars, seuls 110 nouveaux cas ont été recensés dans le pays. Dix jours plus tôt, 600 nouveaux malades étaient déclarés par jour. La Corée du Sud était le pays le plus touché après la Chine le 7 mars. Depuis, l’Italie et l’Iran l’ont doublé. Rien n’est encore gagné pour le pays, loin de là. Mais c’est un exemple intéressant, car le contrôle de l’épidémie s’est fait sans les mesures drastiques de verrouillages généralisés de villes ou régions qui ont été prises en Chine et en Italie. [13]
- La Corée du Sud, pays très moderne où la technologie est présente dans toutes
- les sphères de la vie, résout cette fois-ci le problème d’une façon aussi innovante. Bien que la bataille ne soit pas encore gagnée, on peut dire qu’un rameau d’olivier s’ébauche quelque part au loin :
- Plutôt que d’interdire l’accès au pays, la Corée du Sud a mis au point des “procédures spéciales d’immigration” pour les personnes en provenance de Chine, précise le South China Morning Post. Les autorités prennent la température des voyageurs, s’informent sur les personnes qu’ils envisagent de rencontrer et leur demandent de remplir un questionnaire de santé. Les touristes provenant d’un pays à risque doivent également installer une application mobile permettant de s’autodiagnostiquer. Reste tout de même à voir si ces mesures seront réellement suffisantes. L’épidémie n’est pas entièrement maîtrisée et une résurgence est possible, en Corée du Sud comme en Chine. [14]
En Corée du Nord
La Corée du Nord, malgré ses frontières bien gardées et fermées pour la majorité de gens, est à risque également. Il est possible que son système sanitaire ne soit pas prêt pour faire face à l’épidemie qui vient :
- La Corée du Nord, voisin immédiat de la Chine, craint une extension de l’épidémie sur son territoire, dont les conséquences pourraient être dramatiques en raison de la vétusté de son système sanitaire. Pour l’heure, aucun cas n’a été officiellement recensé dans la République populaire démocratique de Corée (RPDC). Mais selon l’Indice de sécurité sanitaire mondial 2019, établi par l’Organisation mondiale de la santé sur 195 pays, Pyongyang se classe dans les pays à la plus faible capacité à faire face à des maladies infectieuses – juste avant la Somalie et la Guinée équatoriale. [15]
Mi-février, les frontières ont été fermées : « Pyongyang, qui a fermé ses frontières aux visiteurs et imposé une quarantaine de 30 jours aux personnes de retour dans le pays, a décrété un « combat de survie national. » [16] « Les Etats-Unis, de leur côté, se sont dits « profondément inquiets » de la vulnérabilité de la Corée du Nord – autre pays frontalier de la Chine –, se disant prêts à contribuer à des opérations d’aide en sa faveur. » [17]
Il est très probable qu’il y ait eu une victime mortelle. Selon DailyNK, l’agence sud-coréenne à Séoul responsable des informations sur la Corée du Nord, « une femme, la cinquantaine, souffrant de fièvre et de toux, est morte le 27 janvier ». [18]
Il semble que le gouvernement n’ait pas annoncé ce cas comme une victime du coronavirus :
- Les autorités ont parlé d’un décès par pneumonie », rapporte cette même source [DailyNK – note de l’auteur], mais cette personne avait été placée en quarantaine, les autorités sanitaires craignant déjà qu’elle ne soit contaminée par le coronavirus. Un homme de 40 ans et un jeune homme de 20 ans, étudiant en Chine, seraient décédés de la maladie à Pyongyang. Si ces informations se révèlent exactes, et alors que le gouvernement nord-coréen ne les diffuse jamais à l’extérieur – il n’a pas reconnu de victimes du sras, d’Ebola ou du MERS sur son territoire –, c’est un danger de grave épidémie qui menacerait le pays. [19]
La situation épidémiologique pose un grand problème surtout pour l’économie nord-coréenne parce que « la Chine est la principale source d’approvisionnement de la RPDC et son premier partenaire commercial (90 % des échanges extérieurs). » [20]
Des événements publics sont annulés aussi : « Le marathon de Pyongyang, qui attire chaque année de nombreux touristes en Corée du nord, a été annulé en raison de l’épidémie du nouveau coronavirus, ont annoncé vendredi des agences touristiques chinoises. » [21]
Conclusions
L’Europe avait déjà connu déjà la peste, et l’épidémie en général, bien avant la publication du roman par Albert Camus. Au XIVème siècle, la peste réduisit presque deux tiers de la population européenne. La Corée vécut le hongyeok (홍역) au XVIIIème, la rougeole. En 2003, le SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère lié au coronavirus) est devenu une épidémie. Ensuite, l’Ebola et plusieurs types de grippe se sont répandus, comme par exemple la grippe aviaire. Le coronavirus a provoqué une vraie épidémie ou plus précisement une vraie pandémie. « Mais finalement s’agit-il au fond du concept d’épidémie, tel que le comprennent les biologistes, et ne s’agit-il pas d’un autre concept, élaboré par une anthropologie historique, qui fait une juste et large part à un imaginaire, probablement partagé de l’Extrême-Orient à l’Extrême-Occident ? » [22] Après tout :
- Dans un monde qui tend à se réunfier autour des objectifs de l’horizon 2020 et au-delà, les épidémies obéissent à un nouvel ordre qui n’est pas dicté par les seuls calculs de morbidité et de mortalité : pour certaines épidémies comme la grippe, la preparedness mondiale est orchestrée, soutenue, évaluée, et financée. D’autres épidémies n’intéressent personne, comme la maladie du sommeil, ou pas grand monde, comme la méningite ou les hépatites B. Où est donc la gouvernance tant vantée ? L’imaginaire des épidémies comporte lui aussi ses leçons en sensibilisant à une certaine continuité dans le temps comme dans l’espace, et tel est l’apport remarquable de cette œuvre commune d’anthropologie historique. [23]
Bibliographie et webographie
[1] Coronavirus, World Health Organization https://covid19.who.int/
https://www.who.int/health-topics/coronavirus
[2] Coronavirus: la Chine se montre optimiste, Laurent Thomet. Le Devoir, 20.02.2020
[3] Coronavirus : Ralentissement des contaminations en Chine et premier décès d’un Européen, ICI Radio-Canada – Nouvelles, 22.02.2020
[4] Coronavirus: la progression hors de la Chine inquiète l’OMS, Marc Thibodeau. Le Soleil (Québec), 21.02.2020
5 La Corée du Sud confirme 100 nouveaux cas de nouveau coronavirus, portant le total à 204, Xinhua – Agence de presse (新华通讯社), 21.02.2020
[6] Une ville de la Corée du Sud, récent front de la lutte contre le coronavirus, MSN Canada (français), 22.02.2020
[7] Ibidem
[8] Coronavirus : en Corée du Sud, l’inquiétude monte après la découverte de 142 cas supplémentaires, Philippe Mesmer. Le Monde, 22.02.2020
[9] Coronavirus : en Corée du Sud, le nombre de cas bondit à cause d’une secte, Le Monde Blogs, 21.02.2020
[10] Ibidem
[11] La Corée du Sud confrontée à une explosion des cas de coronavirus liés à une secte, Yann Rousseau. Les Echos, 21.02.2020
[12] Coronavirus : des passagers du « Diamond Princess » commencent à débarquer au Japon, L’Obs, 19.02.2020
[14] Ibidem
[16] Coronavirus : Washington s’inquiète pour la santé de Pyongyang, Yann Rousseau. Les Echos, 14.02.2020
[17] Coronavirus : l’épidémie ne ralentit pas, près de 1 400 morts et 64 000 cas de contamination, L’Obs, 14.02.2020
[18] La Corée du Nord face à la propagation du coronavirus, Malovic Dorian. La Croix, 12.02.2020
[19] Ibidem
[20] Face au coronavirus, la Corée du Nord confrontée à la fragilité de son système de santé, ibidem
[21] Le coronavirus provoque l’annulation du marathon de Pyongyang, La Croix, 21.02.2020
[22] Moulin, Anne-Marie (2014). Quand la terre s’arrondit. L’horizon convergent des épidémies d’Orient et d’Occident, p. 238. En : (2014) Extrême-Orient, Extrême-Occident, no. 37, pp. 233-240.
[23] Ibidem, p. 240.
Les illustrations
ill. liminaire : Daegu, devant l’église de la secte l’Église Shincheonji de Jésus
ill. 1. La carte avec les régions affectées par le coronavirus
ill. 2. Désinfection dans une station du métro, Séoul, 4.03.2020
, 14.03.2020
ill. 3. Lee Man-hee qui présente officiellement ses excuses
ill. 4. Le nombre de cas infectés, confirmés par KCDC, 14.03.2020
ill. 5. Un haut responsable du ministère nord-coréen de la santé, Kim Dong Gun (김동국), Pyongyang, 30.01.2020
, 14.03.2020
étudiant en design graphique et design industriel, passionné par la Corée sur toutes ses formes. et nous vous faisons découvrir ce pays merveilleux et sa culture chaque semaine.
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