Sommaire
- Une 18ème édition à la croisée des genres, fidèle à l’esprit FFCP
- Jour 1 au FFCP – Legend of the Waterflowers, Peafowl
- Jour 2 au FFCP – Swallow de Leesong Hee Il
- Jour 3 au FFCP – Shortcuts #1, Next Door
- Jour 4 au FFCP – Rebound, Honeysweet, Hail to Hell
- Jour 5 au FFCP – Dr Cheon and The Lost Talisman, Killing Romance, Unidentified
- Jour 6 au FFCP – The Ripple, Greenhouse
- Jour 7 au FFCP – Birth de Yoo Ji Young
- Palmarès du Festival du Film Coréen 2023
Le Festival du Film Coréen à Paris s’est tenu début novembre 2023. Les blockbusters ont côtoyé les films d’auteur dans un programme ambitieux, reflet du cinéma coréen d’aujourd’hui. Festival le plus attendu en hexagone pour tous les férus de films coréens, le Festival du Film Coréen de Paris (FFCP) 2023 a été le plus parfait possible sur tous les plans.
Une 18ème édition à la croisée des genres, fidèle à l’esprit FFCP
Du 31 octobre au 7 novembre 2023, la 18ème édition du Festival du Film Coréen à Paris a eu lieu sur la la plus belle avenue du monde au Publicis Cinemas. Comme il est de coutume, les cérémonies d’ouverture et clôture projetaient des films inédits. D’abord, le bal s’est ouvert sur Smugglers, en présence du réalisateur Ryoo Seung Wan, habitué du festival. Et après une semaine de marathon-ciné, c’est finalement A Normal Family de Hur Ji Ho qui a eu l’honneur de donner la note finale.
Les films événements du FFCP
Des films en tous genres – point d’honneur qui fait l’essence du FFCP – ont été projetés toute la semaine dans différentes sections. Les quatre films de la sélection événements – Believer 2, Dr Cheon and The Lost Talisman, Honeysweet, Ransomed – ont attiré les foules. Ce fut aussi le cas des deux films présentés en avant-premières : Concrete Utopia et Greenhouse.
Les films de la section paysage du FFCP 2023
Par ailleurs, onze films étaient proposés dans la section paysage : Birth, The Dream Songs, Killing Romance, Legend of the Waterflowers, Next Door, The Night Owl, Peafowl, Rebound, The Ripple, Swallow et Unidentified. Une sélection qui embrassait le spectre cinématographique d’un bout à l’autre de l’action au documentaire. Ils ont tous été des moments poétiques, drôles, déjantés ou expérimentaux.
Ces onze long-métrages ont embarqué le spectateur vers des profondeurs insoupçonnées. Rendez-vous en fin d’article pour découvrir lequel de ces films a reçu le convoité Prix du Public !
Deux réalisatrices mises en avant au FFCP 2023
Comme chaque année, la section portrait mettait à l’honneur un ou une réalisatrice. Le FFCP a donc reçu Lim Oh Yeong venue présenter ses courts-métrages et son premier long-métrage Hail to Hell. Elle a également animé une masterclass. La séance spéciale Flyasiana a accueilli la lauréate de l’année précédente, Jo Ha Young récompensée en 2022 pour Remember Our Sister. Elle a pu montrer d’autres métrages et partager un moment privilégié de questions-réponses avec le public.
Un florilège de courts-métrages
La 18ème édition du FFCP a réservé sa section focus au cinéma d’animation coréen avec notamment Krisha et le maître de la forêt de Park Jae Beom. Et que serait le Festival du Film Coréen sans les court-métrages. Pas moins de dix-huit films répartis sur trois séances ont rythmé cette belle semaine. Il y a aussi eu les Shortcuts Kids et les Strangecuts. Les prix décernés sont également à retrouver dans le palmarès en fin d’article.
Vous vous en doutez, impossible de tout voir tant cette programmation était foisonnante. Il a fallu faire des choix – qui ont souvent été les bons. Découvrez mon avis sur les quatorze séances auxquelles j’ai assisté.
Jour 1 au FFCP – Legend of the Waterflowers, Peafowl
Legend of the Waterflowers de Koh Hee Young
Synopsis : Partons à la découverte du quotidien d’un groupe de haenyeos sur l’île de Jeju. La doyenne du groupe, Hyun Sook Jik plonge toujours aussi souvent qu’elle le peut à 90 ans passés. Elle sait qu’elle devra un jour y renoncer définitivement et fait son possible pour transmettre son savoir aux haenyeos plus jeunes.
Critique : Avec Legend of the Waterflowers Koh Hee Young continue de filmer les haenyeos, ces plongeuses extraordinaires. Son premier documentaire Breathing Underwater sorti en 2016 leur était déjà consacré. Là aussi elle les avait filmées durant plusieurs années, à Jeju son île natale.
Néanmoins ce quatrième long-métrage prend un ton différent. D’abord il montre comment la profession des haenyeos est vieillissante et se renouvelle peu. Ensuite comment la pollution des eaux appauvrit à une vitesse hallucinante les fonds marins où les haenyeos pêchent habituellement. Koh Hee Young va chercher toutes nos émotions en filmant Hyun Sook Jik contemplant les eaux qui lui sont désormais inaccessibles. Après 87 ans passés sous l’eau, elle est condamnée à ne plus fouler que la terre ferme alors que son esprit réside à jamais parmi les ormeaux et les coraux.
La mer change elle aussi à cause du changement climatique et de la pollution. Les séquences filmées sous l’eau de 2016 à 2022 dévoilent des fonds marins qui se dégradent à vue d’œil. Les parterres océaniques s’épuisent et se ternissent. Les forêts de bambous de mer sont désormais remplacées pour une vaste plaine triste sous-marine à la couleur blanchâtre.
Peafowl de Byun Sung Bin
Synopsis : Shin Myung, femme transgenre et waackeuse de talent, retourne dans sa campagne natale alors que son père vient de mourir. Un retour aux sources qui se transforme en véritable quête d’identité.
Critique : Connu du FFCP, le court-métrage de Byun Sung Bin God’s Daughter Dances avait été primé en 2020. Cette fois, avec Peafowl, c’est son premier long-métrage qui est sélectionné. Le réalisateur et scénariste retrouve son actrice fétiche Choi Hae Jun en waackeuse transgenre qui doit performer dans sa campagne natale le rituel des 49 jours pour son père qui l’a chassée de chez elle des années auparavant.
Dans la lignée du documentaire I Am More (2021) de Lee Il Ha, Byun Sung Bin met au cœur du récit la place des personnes LGBT+ dans la société coréenne. Sans jamais verser dans le pathos, Peafowl mène de front la question de l’acceptation au sein du cercle familial et d’une communauté rurale. Bloqué dans une performance créative mécanique et agressive, le personnage de Myung trouve une identité artistique dans cette épreuve. Cette quête d’elle-même l’oblige à renouer avec son passé et ses racines.
Tout au long du récit, les séquences de danse sont à chaque fois plus incroyables que la précédente. Cette progression suit le cheminement de Myung qui s’affirme comme elle sait le faire le mieux : en dansant.
Jour 2 au FFCP – Swallow de Leesong Hee Il
Synopsis : Alors que sa mère disparaît, Ho Yeon se lance à sa recherche. Pour trouver des réponses, il se plonge dans ses ouvrages où elle relate sa période militante pro-démocratie à l’université dans les années 1980. Au fil des récits et des rencontres, le jeune homme retrace ainsi le passé de ces parents au risque de déterrer des lourds secrets.
Critique : Leesong Hee Il s’attaque à l’exercice difficile de proposer un film sur le mouvement étudiant et la répression des années 1980 sous la dictature de Chun Woo Hwan comme Im Sang Soo, Le Vieux Jardin (2006) et Jang Joon Hwan, 1987 : When The Day Comes (2017) avant lui.
Le réalisateur réussit haut la main grâce au point de vue original qu’il prend : celui d’un homme trentenaire, au bord du divorce, impliqué corps et âme dans l’entreprise paternelle de construction immobilière. Il représente la génération post-dictature qui vit dans le confort de la démocratie capitaliste sud-coréenne actuelle. Par les livres et les rencontres avec les anciens camarades de sa mère, le réalisateur oblige son personnage à se plonger dans un passé de lutte contre la dictature. Il dénonce une indifférence et une ignorance de cette époque fondatrice du présent qui n’intéresse plus les jeunes d’aujourd’hui.
Les enjeux et les secrets sont classiques pour un film du genre. Mais Swallow parvient à nous attraper par la sincérité de son propos. Leesong Hee Il réaffirme l’importance de la transmission d’un passé qui commence à s’effacer.
Jour 3 au FFCP – Shortcuts #1, Next Door
Shortcuts #1 – Séance de court-métrages
Séances de six court-métrages : Hometown de Heo Ji Yun (20min37), Catching Shadow de Cheong Jae Hee (9min08), The Lee Families de Seo Jeong Mi (25min49), Getting Used to Loneliness de Seo Pyoung Won (11min48), Incorrect Museum de Hur Jun Woo (16min04), Architect A de Lee Jonghoon (25min02).
Une très belle séance de courts qui mêlait comédie, drame et thriller. On alternait entre des films en prises de vue réelles et du cinéma d’animation, avec un fil rouge, le deuil. Mes trois coups de coeur ont été Hometown de Heo Ji Yun, The Lee Families de Seo Jeong Mi et Architect A de Lee Jonghoon.
Hometown de Heo Ji Yung
Hometown nous plonge dans une forme de deuil particulière. Celle d’un personnage qui découvre un soir que celui dont il lisait les poèmes tous les matins est décédé. Heo Ji Yun pose la question de comment faire le deuil d’un inconnu avec qui l’on partage une forme d’intimité. Hometown est comme les textes de cet ouvrier. Une oeuvre sans prétention, une véritable pause poétique dans un quotidien annihilant.
The Lee Families de Seo Jeong Mi
Changement total d’ambiance avec The Lee Families. Seo Jeong Mi choisit le ton de la comédie pour aborder la place des femmes dans la famille au moment du décès du patriarche dans la société coréenne actuelle. Dans des scènes drôlissimes mais au goût amer, la réalisatrice souligne l’absurdité d’un héritage exclusivement patrilinéaire. Par exemple la mère essaie d’escalader le mur de sa maison à laquelle elle n’a plus le droit d’accéder. Ou la petite-fille s’empare de l’urne funéraire de son grand-père pour l’extraire des mains de son cousin qui ne pratiquera pas le rite des défunts. Dans un élan féministe assumé, Seo Jeong Mi affirme à l’écran le statut d’égalité des femmes. Elles devraient pouvoir être reconnues comme égales dans le deuil et l’héritage, moments extrêmement importants dans la société coréenne.
Architect A de Lee Jonghoon
Dernier de la séance a avoir été projeté Architect A de Lee Jonghoon est un véritable petit bijou. Mêlant les thèmes du deuil et du souvenir, le court-métrage regorge de douceur et créativité. Un beau jour, une vieille dame rend visite à un architecte qui a interrompu son activité pour qu’il lui construise une maison. D’abord réticent, il se laisse convaincre. L’animation permet la mise en images de trouvailles plus belles et émouvantes que les autres. Ils vont par exemple chercher une graine dans les souvenirs de la gentille mamie pour la planter et qu’elle constitue les fondations de la maison. La visite de la demeure achevée est un moment véritablement merveilleux, de l’ascenseur-fleur aux vitres coulissantes qui laissent le vent balayer tout l’intérieur. Festival de couleurs et d’émotions, Architect A est un immense coup de coeur.
Next Door de Yeom Ji Ho
Synopsis : Après plusieurs échecs à l’examen d’entrée à l’académie de police, Chan Woo continue de persévérer. Éternel étudiant, sa vie est chamboulée lorsqu’il se réveille en gueule à côté d’un corps baignant dans une mare de sang dans l’appartement de sa voisine.
Critique : Pour son premier long-métrage en presque huis clos, Yeom Ji Ho propose un film rythmé, drôle et déjanté. C’est un véritable plaisir de détester suivre ce blaireau dont on comprend aisément pourquoi cela fait cinq fois qu’il rate l’examen pour devenir policier tant il manque de jugeote. L’acteur Oh Dong Min porte le film de la première à la dernière seconde. Il met toute son expérience et son talent au service du réalisateur. Yeom Ji Ho maîtrise ainsi à merveille l’art de l’anticipation. On s’énerve contre ce personnage insupportable, comparable à celui d’Alive (2020). On a peur pour lui lorsqu’il est sur le point de faire une énième connerie, on lève les yeux au ciel devant sa bêtise. Pour toutes ces raisons, le réalisateur réussit son pari. Il livre une comédie noire très drôle et terriblement efficace.
Jour 4 au FFCP – Rebound, Honeysweet, Hail to Hell
Rebound de Chang Hang Jun
Synopsis : Un ancien espoir du basket devient le coach d’une équipe lycéenne de Busan à la dérive. Il va tout faire pour mener ses élèves à la victoire, ou au moins pour leur montrer une chose : le plus important, c’est de rebondir
Critique : Six ans après Forgotten, Chang Hang Jun troque le thriller psychologique pour le film sportif lycéen. Rebound réunit tous les ingrédients d’un très bon film du genre : une histoire vraie, de l’humour, de l’émotion et une belle brochette d’acteurs. Ahn Jae Hong (Be Melodramatic 2017) n’hésite notamment pas à exagérer ses émotions ni à déformer son visage pour susciter le rire. Il convainc en coach empathique qui sait trouver les bons mots. Il excelle dans ce rôle où il recrute et motiver une équipe incarnée par les nouveaux talents du paysage audiovisuel coréen.
Question sport, les matchs sont brillamment filmés. Le réalisateur parvient à recréer une véritable tension où chaque panier provoque fierté et jubilation. Une dernière séquence est consacrée aux véritables joueurs de cette équipe lycéen de basket de Busan qui a créé l’exploit en 2012. Elle met ainsi en avant la volonté de recréation du détail à partir de photographies de l’époque. Pour résumer, Rebound est un feel good movie très réussi, et une bien belle respiration dans la programmation du FFCP !
Honeysweet de Lee Han
Synopsis : Chi Ho se réveille tous les jours à 7h, part au travail à 8h, arrive à 9h et repart à 17h. Une routine réglée comme du papier à musique jusqu’au jour où sa rencontre Il Young, une mère célibataire drôle et énergique, vient bousculer ses habitudes.
Critique : Avec Honeysweet, le réalisateur Lee Han (Innocent Witness 2018) et le scénariste Lee Byung Hun (Sunny 2011) réinventent la comédie romantique à la sauce 2023. Ils nous offrent une belle histoire sans fioritures entre quarantenaires dans une atmosphère légère et sympathique. Comique mais jamais moqueur, Honeysweet prône la rencontre de l’âme sœur à tout âge et l’acceptation d’autrui dans sa plus pure existence. Yoo Hae Jin et Kim Hee Sun (Tomorrow 2022) partagent une belle alchimie. On a plaisir à les suivre sur le chemin de l’amour semé de caméos tous plus hilarants les uns que les autres. Mention spéciale à Im Si Wan qui chante la sérénade à Go Ah Sung dans une séquence d’anthologie ! Je rêve maintenant d’un film ou d’un drama avec ces deux-là en tête d’affiche.
Hail to Hell de Lim Oh Jeong
Synopsis : Deux lycéennes harcelées et suicidaires partent à la recherche de leur bourreau. Convaincues de se venger, elles souhaitent aussi réaliser elles-mêmes leur dernière volonté.
Critique : Pour son premier long-métrage, Lim Oh Jeong s’attaque à deux sujets de société, le harcèlement scolaire et l’emprise des sectes évangélistes, en Corée du sud. À travers un trio féminin de personnages, deux victimes et leur bourreau, la réalisatrice interroge un certain rapport à la culpabilité et au pardon. Malgré quelques longueurs, Hail to Hell arrive à nous attraper. Le long-métrage est une ode à la vie et incite à penser positivement. Malgré les difficultés que l’on traverse, une lumière nous attend au bout du tunnel, surtout si l’on a quelqu’un sur qui compter.
Jour 5 au FFCP – Dr Cheon and The Lost Talisman, Killing Romance, Unidentified
Dr Cheon and the Lost Talisman de Kim Seong Shik
Synopsis : Petit-fils d’un puissant shaman, Dr Cheon réalise de faux rituels pour alimenter sa chaîne de streaming. Un jour, une jeune femme vient lui demander de l’aide. L’escroc n’a pas d’autre choix que d’accepter et de partir affronter un véritable esprit malfaisant.
Critique : Avec Dr Cheon and The Lost Talisman, Kim Seong Shik livre un bon divertissement. Mais le film souffre d’une trop grande volonté explicative qui vient casser le rythme. Le tout est pourtant truffé de bonnes idées. Le premier rituel chamanique est une référence directe à Bong Joon Ho – dont Kim Seong Shik a été assistant réalisateur sur Parasite (2019). La séquence de visite chez la Vierge Sacrée est mémorable. Certaines scènes d’action restent également en mémoire, notamment la poursuite effrénée de nos héros dans un village fantomatique.
La multiplication d’arcs narratifs entraîne manque d’approfondissement des personnages. Ceux-ci sont pourtant plein d’intérêt et de ressources et auraient mérité d’être davantage creusés. C’est notamment le cas du personnage d’Esom dont on attend beaucoup. Mais il est plutôt mal exploité.
Malgré ces défauts, Dr Cheon and The Lost Talisman nous donne envie d’une suite. Justement pour rectifier améliorer tous ces aspects qui l’empêchent d’être un grand film. Il y a de la matière et ce serait dommage de ne pas l’exploiter !
Killing Romance de Lee Won Suk
Synopsis : Hwang Yeo Rae, star nationale, disparaît des radars après son mariage avec un milliardaire violent et égocentrique. Quand les deux époux reviennent en Corée, l’actrice se rêve à se défaire de l’emprise de son mari. Elle élabore alors un plan pour s’enfuir avec l’aide de son jeune voisin.
Critique : Killing Romance a été un véritable coup de cœur. Lee Won Suk mise sur une esthétique et une narration dans l’esprit de Wes Anderson. Il croise également le génie de Perrault et des frères Grimm pour accoucher d’un conte éminemment moderne. Le réalisateur critique à grands coups de satire la société coréenne. Y passent la starification à outrance et le pouvoir absolu des chaebols. On note quelques redondances. Mais les protagonistes, Lee Ha Nee en femme trophée muselée et de Lee Sun Lyun en mari toxique et narcissique, nous les font bien vite oublier.
Il faut surtout souligner la finesse avec laquelle Lee Won Suk porte à l’écran un sujet difficile. Il dénonce les violences conjugales sans jamais verser dans une esthétisation voyeuriste et malsaine. C’est même avec une certaine subtilité qu’il va chercher le spectateur dans certaines scènes. D’une image à l’autre, on passe de la comédie au drame. Cela oblige à une vigilance constante sous peine de devenir en une seconde complice de l’odieux personnage. Brillant !
Unidentified de Jude Chun
Synopsis : Cela fait 29 ans que de grosses sphères sont apparues dans le ciel partout autour de la Terre. Un film qui scrute les conséquences à travers le monde, d’un point de vue psychique et métaphysique.
Critique : Véritable OVNI – OeuVre Non Identifiée – du festival, Unidentified qui porte donc bien son nom mise sur la multiplicité. Des personnages aux interprétations du film, l’oeuvre de Jude Chun apparaît comme déliée du cadre ordinaire d’une oeuvre cinématographique. On y trouve son compte ou pas. On adhère ou pas. Difficile néanmoins de rester indifférent devant cet enchaînement de séquences tour à tour énigmatiques et subversives. Deux séquences dansées me restent particulièrement en mémoire, celle où un employé de bureau chausse ses écouteurs une fois sa journée terminée et danse dans les ruelles de Séoul, et celle, nocturne et envoûtante, de la secte installée sur un toit d’immeuble. La musique de Noe Gonzalez résonne toujours dans mes oreilles.
Jour 6 au FFCP – The Ripple, Greenhouse
The Ripple de Lim Seung Hyun
Synopsis : Depuis la disparition de sa petite-fille il y a un an, Ye Bun sonde chaque jour la rivière à la recherche de son corps. Elle doit pourtant rejoindre le monde des vivants lorsqu’une de ses amies meurt et lui laisse sa propre petite-fille à s’occuper.
Critique : Après Homeless en 2021, Lim Seung Hyun confirme avec The Ripple son statut de cinéaste à suivre. Dans la lignée de son premier long-métrage, il questionne les liens entre générations et le comment faire famille au-delà du sang. The Ripple est un film bouleversant dans tous les sens du terme. Le portrait de grand-mère désespérée qui sonde sans relâche la rivière nous attrape aux tripes. On pleure d’empathie pour la jeune fille en proie au complexe du survivant. Rongées par la culpabilité, les deux personnages se rapprochent. L’espoir renaît. Elles se donnent l’une et l’autre la force de vivre pleinement à nouveau.
Centré sur le deuil, The Ripple ne ménage ni ses personnages ni son spectateur de la cruauté arbitraire de la vie et de la mort. La lenteur du film se calque sur le processus de guérison lorsque l’on a perdu un être cher dans des circonstances tragiques. Il faut laisser le temps au temps, ressortir de la rivière et choisir les vivants.
Greenhouse de Lee Sol Hui
Synopsis : Aide-soignante à domicile, Moon Jung ne rêve que d’emménager dans un bel appartement avec son fils. En effet, ce dernier sortira bientôt du centre de détention pour mineurs. Pourtant un drame vient pourtant la frapper au pire moment. Démunie, elle fait un choix qui sera lourd de conséquences.
Critique : Pour son premier long-métrage, Lee Sol Hui a seulement fait un bon choix : celui de son actrice principale. Kim Seo Hyung incarne cette femme désespérée à la perfection. Le film part pourtant bien. Montrer la difficulté quotidienne d’une classe populaire usée est une thématique plutôt intéressante. La réalisatrice s’inscrit dans la lignée d’un certain cinéma coréen de ces dernières années. Mais à partir de l’incident fatidique, le film fait une sortie de route totale. Le personnage est entraîné dans une spirale de tragédies présentée comme un terrible retour de karma.
La comparaison avec Parasite (2019) plaira ou pas mais elle m’a accompagné tout au long de la projection. Dans son film, Bong Joon Ho parvenait à nous impliquer jusque dans les scènes les terribles scènes. Avec Greenhouse, j’ai complètement décroché et subi une deuxième moitié de film. Je ne cautionne aucun des choix de la réalisatrice en termes de narration. Pour ce qui est de l’esthétique, il m’a semblé que Lee Sol Hui s’est complu à pousser jusqu’au bout un certain misérabilisme. Vraiment très peu pour moi.
Jour 7 au FFCP – Birth de Yoo Ji Young
Synopsis : Lui est professeur d’anglais dans une académie privée, elle est écrivaine sur le point de publier son deuxième roman. Ensemble, ils filent le parfait amour jusqu’au jour où Jae Yi tombe enceinte alors qu’elle ne veut pas d’enfant.
Critique : À contre-courant d’un narratif de vie qui remonte à la nuit des temps où la naissance d’un enfant est source de bonheur pour un couple heureux et stable, Birth est la chronique d’un malheureux événement. Durant près de deux heures et demi, on assiste au délitement d’un couple que cette grossesse vient chambouler dans la confiance qu’ils ont l’un envers l’autre et dans l’amour qui les unit. Pourtant au-delà de filmer un couple, Yoo Ji Young prend surtout le parti de faire de sa protagoniste féminine un archétype du féminisme du XXIème siècle.
Le personnage de Jae Yi, incarnée par la formidable Han Hae In, s’affirme comme une femme qui préfère se consacrer à l’écriture de ses romans plutôt qu’à être mère. Elle ne cesse d’être renvoyée à son statut de procréatrice dont elle n’a pourtant jamais voulu. Jae Yi revendique le contrôle de son corps et de ses choix et subit d’autant plus sa grossesse qui la rend malheureuse. La scénariste et réalisatrice dénonce par ailleurs l’accusation d’égoïsme qui est faite au personnage. Décrite comme égoïste par presque toutes les personnes qui croisent sa route, autant vis-à-vis de sa grossesse dont elle ne veut pas que vis-à-vis de sa volonté de se consacrer exclusivement à l’écriture, Jae Yi encaisse les remarques sans changer de cap ni d’avis.
Birth de Yoo Ji Young s’affirme finalement comme un film important dans le paysage audiovisuel sud-coréen d’aujourd’hui par les thématiques qu’il aborde et par la manière dont le personnage féminin est construit.
Palmarès du Festival du Film Coréen 2023
Après une semaine riche en découvertes où chacun aura pu trouver métrage à son goût, la cérémonie de clôture a été l’occasion de dévoiler le palmarès de cette merveilleuse 18ème édition du Festival du Film Coréen à Paris.
Palmarès du FFCP
D’abord, le prix du public de la section paysage a été décerné au merveilleux Peafowl de Byun Sung Bin qui le mérite amplement. J’en suis personnellement encore plus heureuse tant j’avais espéré ce prix pour I Am More de Lee Ha Il l’année dernière, c’est la meilleure des consolations.
Ensuite pour les court-métrages, ce sont les fabuleux Hometown de Heo Ji Yun et Architect A de Lee Jonghoon qui reçoivent respectivement le prix spécial Flyasiana et le Kia Award du meilleur film d’animation. Le jury étudiant a également décerné une mention spéciale à ce dernier. Espérons comme c’est de coutume que Heo Ji Yun nous honorera de sa présence pour la 19ème édition du FFCP l’année prochaine. Je serai la première ravie de découvrir d’autres de ses créations et à le rencontrer lors d’une masterclass.
Enfin, le prix du public Shortcut Kids a été décerné à Battery Mommy de Jeon Seungbae, tandis que celui des Strangecuts est revenu à Jeong Dong de Choi Woo Gene. Enfin c’est Teratoma de Byun Jeong Won qui a reçu le prix Keystone du meilleur scénario.
Remerciements
Il n’est pas possible de conclure sans adresser un immense merci à toute l’équipe du FFCP, à David Tredler pour sa programmation toujours si audacieuse, à Cédric pour son accueil et sa bienveillance, à toute l’équipe bénévole pour leur disponibilité et leur bonne humeur de tous les instants, et à l’équipe technique sans qui peu de choses auraient été possibles.
Une belle émotion m’envahit à l’issue de la rédaction de cet article. Que de découvertes, autant filmiques qu’humaines au cours de cette intense semaine au FFCP. Au revoir et à l’année prochaine !
Source : site du FFCP