Sommaire
Une subordination politique institutionnalisée
La domination mongole sur Goryeo (고려) s’est structurée autour d’un système administratif complexe qui garantissait le contrôle tout en préservant une apparence d’autonomie locale.
Le Secrétariat des Campagnes Orientales, créé en 1280, constituait l’institution centrale de ce contrôle. Bien que nominalement dirigé par le roi de Goryeo, qui portait le double titre de « Roi Gendre Impérial de Goryeo » et « Ministre de la Gauche du Secrétariat », cette institution était directement subordonnée au trône Chinoi des Yuan (元朝). Les Mongols y plaçaient stratégiquement des officiels chinois, jürchens (女真) et mongols aux postes clés, assurant ainsi une supervision effective.
La dynastie locale Wang fut maintenue, mais dans un cadre strictement contrôlé. Les rois de Goryeo devaient effectuer de longs séjours à la cour mongole, avant et après leur couronnement. Leur autorité était précaire : entre 1298 et 1351, sept rois furent déposés par les Mongols pour avoir failli à servir leurs intérêts. En 1343, l’humiliation atteint son paroxysme lorsque le roi Chunghye fut arrêté et maltraité par des envoyés mongols.
Le système des darughachi (commissaires résidents) complétait ce dispositif de contrôle. Ces commissaires, théoriquement subordonnés au roi de Goryeo, intervenaient activement dans les affaires de la cour et devaient être approvisionnés par celle-ci, créant une charge supplémentaire sur les ressources locales.
Une politique d’intégration par les alliances matrimoniales
La stratégie matrimoniale mongole représentait un aspect fondamental de leur domination, transformant Goryeo en un « royaume fils par alliance » unique dans l’empire.
À partir du règne de Chungnyeol (1274-1308), une politique systématique de mariages entre la famille royale de Goryeo et le clan impérial Borjigin fut instaurée. Au total, neuf princesses Yuan épousèrent des rois de Goryeo, créant des liens de sang qui légitimaient la domination mongole tout en l’ancrant dans une relation familiale.
Ces alliances avaient des implications profondes. Les femmes mongoles, comme la princesse Gyeonghwa, exerçaient une influence considérable sur la politique de Goryeo, allant jusqu’à sélectionner les officiels du gouvernement. Les rois de Goryeo, devenus gendres impériaux (khuregen), occupaient une position particulière dans la hiérarchie impériale mongole, comparable à d’autres familles importantes comme les Ouïghours ou les Khongirad.
Cette politique s’étendait au-delà de la famille royale. Les Mongols exigeaient régulièrement des femmes des familles d’élite de Goryeo comme épouses et concubines, au point qu’un bureau gouvernemental spécial fut créé pour gérer ce « tribut humain ». Le document mentionne qu’au moins 1500 femmes coréennes furent ainsi envoyées à la cour Yuan.
Une exploitation des ressources au service de l’empire
L’intégration de Goryeo dans l’empire mongol s’accompagnait d’une exploitation systématique de ses ressources humaines et matérielles.
La mobilisation militaire constituait une charge majeure. Lors des tentatives d’invasion du Japon, Goryeo dut fournir des contingents considérables : 770 navires et 5000 soldats en 1274, puis 900 navires et 10000 soldats en 1281. Le royaume servait de base militaire mongole durant ces campagnes, supportant le poids logistique de ces expéditions.
Le système tributaire était diversifié et conséquent. Goryeo devait fournir régulièrement :
- Des ressources précieuses : or, argent
- Des biens de production : tissus, céréales
- Des produits spéciaux : ginseng, faucons
- Des ressources humaines : femmes de palais, eunuques, moines bouddhistes
L’intégration économique se manifestait également par l’introduction de la monnaie Yuan dans les marchés de Goryeo. Des routes maritimes reliaient Goryeo à la capitale mongole via le port de Zhigu au Shandong, facilitant les échanges commerciaux mais aussi l’influence économique mongole.
Cette organisation systématique de l’exploitation des ressources reflète la volonté mongole d’intégrer pleinement Goryeo dans leur système impérial, tout en maintenant sa position subordonnée.
Addenda
- jürchens (女真) : « Homme sauvage »), terme parfois utilisé par les commentateurs chinois et coréens pour désigner tous les Jürchens. Il désigne plus spécifiquement les habitants des régions peu peuplées du nord de la Mandchourie, au-delà des vallées des fleuves Liao et Songhua.
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