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La saison des Ă©lections
C’est la saison des élections présidentielles en France et en Corée. En fait, l’élection sud-coréenne est déjà finie, dont le résultat est que Yoon Seok-yeol, ancien procureur général et candidat du parti conservateur de l’extrême-droite (Pouvoir du peuple) a été élu nouveau président de la Corée du Sud. Comme beaucoup de monde s’inquiète de son futur, il est possible que les 5 prochaines années en Corée du Sud sous le régime de Yoon seraient une série de cauchemars, non seulement pour la condition des femmes et la relation politique entre deux Corées, mais pour toutes les conditions politiques, sociales et culturelles du peuple, et même, plutôt, pour celles du peuple qui a voté pour lui. Peut-être, c’est un paradoxe. Pour certains, ce résultat de l’élection est même considéré comme une « trahison » de la Révolution des bougies qui a déjà destitué l’ancienne présidente Park Geun-hye du même parti conservateur. Oui, c’est probable, comme toutes les choses, mais je ne sais pas. Pour essayer de mieux comprendre ce phénomène socio-politique, il est nécessaire de poser des questions plus fondamentales.
Entre la misogynie et la démocratie
Est-ce que nous vivons dans les sociétés démocratiques ? Oui, bien sûr, en France et en Corée du Sud. On croit que notre système politique est assez démocratique, mais en même temps, on peut se demander comme toujours pourquoi le peuple vote contre l’intérêt de sa classe sociale. C’est le paradoxe général de la démocratie contemporaine. A nos yeux, le peuple qui a voté pour Yoon semble qu’il ne sait même pas qu’il s’est (politiquement) « suicidé » par son propre scrutin, car, encore paradoxalement, le nouveau président Yoon n’appartient à la même « classe » à laquelle ce peuple appartient, ni ne représente son intérêt politico-économique. Comment est-il possible ?
Récemment, il y a toujours trop de réactions misogynes contre le féminisme ascendant en Corée du Sud, d’un côté, à cause de la « tradition » solide du patriarcat « confucianiste », et de l’autre, à cause de la mauvaise conscience des jeunes hommes qui se considèrent eux-mêmes comme « victimes » politiques du féminisme. On l’appelle « backlash » des hommes antiféministes. Ils considèrent le mouvement féministe pour l’égalité sociale entre les femmes et les hommes comme une « oppression » ou même un « attentat » contre eux, parce qu’eux-mêmes, ils font partie et sont des complices de ce système oppressif. C’est toujours la menace très sérieuse, non seulement au mouvement féministe coréen, mais aussi à tout le changement égalitaire de la société générale elle-même. Et le pire, c’est que le parti conservateur, plutôt l’extrême-droite, utilise toujours cette réaction pour gagner l’élection présidentielle. Et il a gagné et réussi.
La politique de la haine dans la démocratie oligarchique
Le problème le plus fondamental est la totale absence d’un parti ou d’un groupe politique qui pourrait résoudre ou conduire leur vrai désir politique et corriger ou représenter leur véritable volonté sociale. On est devenu si habitué (même insensible) à ce système oligarchique du bipartisme qu’on a même oublié la façon dont on peut exprimer sa politique variée. C’est pour cela que nos véritables et différents éléments du conflit social ne peuvent être que dissimilés ou abstraits et que nos vrais et divers désirs politiques ne peuvent pas se représenter en eux-mêmes dans cette limite bipartie. Cette situation a rendu possible le règne de la « République démocratique » des hommes coréens, à la fois comme un « royaume antiféministe » et comme une « oligarchie totalitaire » indifférents au problème de l’inégalité entre les genres.
Bien sûr, la condition des femmes en Corée du Sud s’est améliorée grâce aux mouvements féministes politiques et culturels. Par (un) exemple, la parution du roman « Kim Jiyoung, née en 1982 » écrit par Cho Nam-joo était un phénomène social qui a évoqué l’importance des problèmes misogynes et l’urgence des mouvements féministes en Corée du Sud. (Et voir le roman de Han Kang La Végétarienne) Mais le futur du féminisme sud-coréen n’est pas du tout clair.
Même si beaucoup de femmes ont voté contre Yoon et son parti antiféministe, malgré leur « sacrifice » politique (parce que l’autre parti dans ce système biparti n’est pas moins antiféministe, il est juste un peu mieux sur ce point), simplement pour embêter le recul du mouvement féministe, le choix de la plupart des hommes était Yoon. Les politiciens de la droite manipulent toujours le « sentiment de privation relatif » des hommes contre les femmes. Dans ce processus « politique », le vrai centrisme égalitaire a perdu son rôle et sa position sociaux, et la politique extrême-droite est relativement « neutralisée » par une autre politique encore plus extrême-droite. En un sens, c’est un symbole mondial de la retraite générale de la société démocratique. Cette situation n’est pas très différente en France, malgré beaucoup de différences des paysages politiques entre la France et la Corée du Sud. Donc, entre les deux pays, ou, entre les deux mondes que ces deux pays représentent, il faut repenser le problème de notre système démocratique.
Le féminisme « en crise » ? : la tragédie et la farce de la démocratie
Or, si cette bêtise est le résultat final d’une élection « démocratique », à quoi sert la démocratie ? Sauf le sens minimal (plutôt minime) de la domination du « démos », non au sens du peuple « démocratique » mais au sens de la foule « acéphale », qui n’est pas moins catastrophique que celle des « démons ». Et est-ce qu’on pourra toujours appeler ce système une démocratie, si son résultat est finalement contre l’égalité sociale entre les genres que le féminisme poursuit ? Le féminisme en Corée du Sud est encore une fois en crise, à cause de même ce qu’on appelle la démocratie, mais ce n’est qu’une domination des dominés au nom de la « multitude démocratique ».
Peut-être, la véritable tragédie ne fait que commencer, mais la véritable farce n’a même pas commencé. L’élection démocratique ne doit pas être une chose comme un choix entre le pire et le pis. Il y a une tâche et un devoir politique de créer une véritable issue pour résoudre notre vrai problème social. Elle doit être un chemin à la recherche de la « meilleure » issue, qui ne peut pas être limitée dans un choix forcé par des élections seules. L’élection présidentielle est une fleur ou un sommet de la démocratie, mais ce n’est pas son tout. La démocratie est toujours en crise, mais en même temps, encore paradoxalement mais plus fondamentalement, c’est la démocratie qui est une forme politique de cette crise même.
Donc, priez non seulement pour la Corée mais pour la France aussi, même si prier seul ne suffit pas. Et priez aussi pour le futur du féminisme en Corée et en France. La démocratie n’est jamais un problème du choix provisoire entre les données limitées par l’oligarchie, mais plutôt une aventure permanente d’inventer des nouveaux chemins pour le futur de l’« égaliberté » (un terme d’Etienne Balibar). Et c’est ce qu’on doit appeler la démocratie. La fête d’élection est finie, mais la véritable démocratie ne fait que commencer.
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Merci pour cet article de fond, très documenté, Planète Corée! Je suis depuis longtemps intéressée par vos articles, spécialement celui-ci.. Amitiés Eva Houdova
Merci beaucoup pour votre lecture profonde. J’espère qu’on pourra repenser ensemble plusieurs problèmes de notre monde Ă travers ces Ă©changes.
Amitiés, Ramhon Choe Jeong-U.