Sommaire
La musique traditionnelle fait partie importante de la culture coréenne. Elle exprime ses valeurs esthétiques, philosophiques et éducatives. Malgré certaines ressemblances, ses styles, son harmonie et son instrumentarium sont différents de ceux qui fonctionnent dans musique classique occidentale (considérée aussi comme grande musique, musique savante ou encore musique sérieuse). Il ne faut pas oublier que toute la musicologie en tant que domaine des sciences humaines, la classification et la terminologie y comprises, qu’on applique aujourd’hui pour parler de la musique traditionnelle coréenne, vient de l’Occident.*
Musique traditionnelle
D’après le confucianisme, il existe « une musique morale » et « immorale », c’est-à-dire la musique qui peuvent former les gens aux vertus ou au contraire, les démoraliser. De fait, on retrouve des concepts semblables dans la Grèce antique et dans l’Europe médievale. Artistote (IVème siècle avant notre ère) distingua trois types de musique basiques : musique des sphères célestes (parfaite, mais inaudible pour les êtres humains), musique morale (imparfaite, audible mais suffisamment bonne pour éduquer et maîtriser les bonnes manières) et musique virtuose (imparfaite, audible mais méprisable car la virtuosité sert uniquement à étaler son talent). Ensuite, Boèce de Dacie (XIIIème siècle) continua la pensée grecque dans son traité sur la musique De institutione musica. Selon lui, la musique « touche à la morale » et certaines melodies, et gammes sont bonnes ou mauvaise. Par exemple, au Moyen Âge le triton, qui est l’intervalle de quarte augmentée, fut considéré comme tonus diabolus, son diabolique à cause de sa « sonorité aiguë » et dysharmonique.
Bien que le Classique de la musique (chinois traditionnel : 樂經 Yuè jīng), considéré comme le sixième classique de la littérature chinoise et de la pensée confucéenne, ait été perdu, ses parties peuvent être retrouvées dans le Commentaire de Zuo (左傳 Zuǒ zhuàn) et dans le Classique des rites (禮經 Lǐjīng).
Dans la musique coréenne traditionnelle, on distingue plusieurs genres ou styles conformément au contexte social et à l’occasion. Par exemple, gugak (국악 ; 國樂), aak (아악 ; 雅樂), dangak (당악 ; 唐樂), sogak (속악 ; 俗樂), hyangak (향악 ; 鄕樂). Ils sont tous performés à l’instrumentarium traditionnel. À la fin du XIXème et au début XXème siècle, on parle également de yangak (양악 ; 洋樂), musique occidentale.
L’instrumentarium
L’instrumentarium coréen traditionnel comporte trois groupes principaux qui correspondent avec la classification occidentale basique : cordophones, aérophones et instruments de percussion. Les modèles et les techniques de jeu instrumental varient selon les époques, régions et préférences des musiciens.
Cordophones
Les cordophones, c’est-à-dire les instruments à cordes. Les noms des cordophones coréens portent souvent le préfixe « –geum (금) ». Celui-ci est représenté par le caractère 琴 en hanja qui signifie soit les instruments de musique en général, soit le groupe d’instruments qui ressemblent à la cithare en Occident. Cependant, la construction du haegeum et la technique de jeu instrumental sont considérablement différentes en comparaison avec le reste. C’est pourquoi, il est mieux de traduire geum (금 ; 琴) tout simplement comme « instrument à cordes » ou « cithare » en fonction du contexte.
Les cordes sont en soie à l’exception du yanggeum. Les caisses de résonance sont souvent décorées en nacre ou avec des décorations peintes (fleurs). De temps en temps, ils ont des pendentifs avec des franges et maedup (매듭), nœuds coréens traditionnels.
Haegeum | 해금
Le haegeum (해금 ; 奚琴) appartient au groupe d’instruments qui s’appelle hogeum (호금 ; 胡琴). Les caractères 胡琴 peuvent être traduits comme « instrument barbare » (胡 dénote les peuples qui n’appartenaient pas aux Hans. C’étaient surtout les peuples de l’Asie Centrale, considérés comme barabres par les Chinois à l’époque) ce qui indique sur son origine de l’Asie Centrale. Ce sont les instruments à deux cordes, avec la caisse de résonance octogonale ou hexagonale, la table d’harmonie d’habitude en peau de serpent et le crin de l’archet qui est coincé entre les deux cordes. Il produit le son vibrant et très émouvant. Le haegeum est l’équivalent coréen de l’èrhú (二胡) en Chine, appelé « le violon coréen » de la perspective occidentale. Cependant, le son du haegeum semble plus rugueux par rapport à celui de l’èrhú.
Gayageum | 가야금
Le gayageum (가야금 ; 伽倻琴), appelé parfois gayatgo (가얏고), est un genre de cithare à douze cordes, avec la caisse de résonance en bois. Le musicien pince les cordes avec les doigts pour les faire vibrer. Simultanément, les doigts de l’autre main appuient sur les cordes pour obtenir la bonne hauteur du son.
Geomungo | 거문고
Le geomungo (거문고), pareil que le gayageum, est un genre de cithare mais son nombre de cordes varie entre six et onze en fonction de la version. Il est appelé aussi hyeongeum (현금 ; 玄琴) ou hyeonhakgeum (현학금 ; 玄鶴琴), d’où le nom de la « cithare noire ». Il ressemble au gǔqín (古琴), genre de cithare chinoise à sept cordes. La technique de jeu instrumental ressemble dans une certaine mesure à celle du gayageum, mais le musicien joue à l’aide de plectre. Le son du geomungo est plus de basse et un peu plus sombre en comparaison avec le gayageum. D’après la tradition, Yi Mae-chang (이매창 ; 李梅窓, 1573-1610), fameuse gisaeng (기생 ; 妓生) donc courtisane coréenne, fut virtuose de cet instrument.
Yanggeum | 양금
Le yanggeum (양금 ; 揚琴 ou 洋琴 mais dans la plupart des cas, le caractère 洋 désigne tout ce qui vient de l’Occident, par exemple le style de musique yangak [양악 ; 洋樂]) est instrument à cordes frappées. Il est l’équivalent coréen du yángqín (揚琴) chinois. Sa contruction et la technique de jeu instrumental ressemblent aussi à celles du hammered dulcimer en Occident ainsi qu’à celles du tympanon et du psaltérion médieval. Il est probable que les pays confucéens et l’Europe ont profité de la même source qui était le santour iranien.
Contrairement aux autres cordophones coréens, ses cordes sont en métal. Le musicien joue en frappant les cordes avec deux bâtons en bambou. Il produit le son évidemment métallique mais aussi très fluide ce qui donne l’impression d’une pluie sonore.
Ajaeng | 아쟁
L’ajaeng (아쟁 ; 牙箏) est encore un autre type de cithare à huit ou plus cordes. Il fut dérivé du yàzhēng chinois (軋箏), appartenant aussi au même groupe que le gǔzhēng (古筝), l’une des cithares chinoises les plus anciennes. Une main pince les cordes et l’autre joue avec un archet simple. Il produit le son très particulier qui mélange la rugosité et la fluidité.
Sa fonction dans les ensembles est comparable à celle du clavecin dans la musique baroque : le clavecin joua la basse continue (basso continuo) et traditionnellement, l’ajaeng est aussi responsable pour la partie de la basse qui « soutient » toute la composition.
Aérophones
Parmi les aérophones coréens dominent les flûtes des genres différents, main on y trouve aussi des particuliarités comme le saenghwang (생황 ; 笙簧).
Daegeum | 대금
Le daegeum (대금 ; 大笒) est une grande flûte traversière en bambou. Il ressemble au dízi (笛子), flûte traversière chinoise. Il possède six trous de jeu et il produit le son chaud et un peu brumeux.
Piri | 피리
Le piri (피리 ; 觱篥) est un aérophone à anche double et il est percé de huit trous. Il produit le son un peu « serré », ressemblant parfois au saxophone. Il apparaît souvent dans les ensembles de musique à la cour coréenne.
Tungso | 퉁소
Le tungso (퉁소 ; 洞簫) est une flûte verticale à bec en bambou. Il produit le son qui ressemble à celui du daegeum, mais il est plus aigu et vibrant.
Saenghwang | 생황
Le saenghwang (생황 ; 笙簧) est un instrument à vent à anche libre. Il a dix-sept tubes de bambou avec des anches, lamelle vibrantes qui produisent le son très caractéristique.
Taepyeongso | 태평소
Le taepyeongso (태평소 ; 太平簫) est un instrument à anche double, semblable au suǒnà (嗩吶) chinois, fabriqué en bois et en métal. Selon la version hanja, son nom signifie « flûte de la paix / de la sécurité ». Il produit le son qui peut donner l’impression des fausses notes aux personnes qui ne sont pas habituées à ce genre de musique.
Instruments de percussion
Les instruments de percussion coréens sont importants surtout dans les rituels chamaniques et lors des performances de pansori (판소리). Ils donnent le rythme mais ils créent également une ambiance mystérieuse et magique – ils invitent à la réalité où le temps a été suspendu…
Buk | 북
Le buk (북) est un grand tambour dont le nom est un mot indigène qui signifie tout simplement « percussion ». Il est fabriqué en bois et couvert avec la peau animale. Il est parfois décoré avec le symbole de samtaegeuk (삼태극) et les couleurs considérées comme magiques d’après le chamanisme coréen. On trouve sa plus petite version dans les performances de pansori.
Kkwaenggwari | 꽹과리
Le kkwaenggwari (꽹과리) est un petit gong en laiton. Son nom vient d’une expression onomatopéique dans la langue coréenne, kkwaeng kkwaeng (꽹꽹), qui imite le son de l’instrument. Il est utilisé dans le salmunori (사물놀이 ; 四物놀이), genre de musique à percussion traditionnelle.
Jing | 징
Le jing (징 ; 鉦) est un grand gong, traditionnellement utilisé lors des cérémonies chamaniques, bouddhistes et à des occasions spéciales. Il est fabriqué en laiton. On le frappe à l’aide d’un bâton.
Janggu | 장구
Le janggu (장구 ; 杖鼓 ou 長鼓) est un instrument dérivé du zhànggǔ (杖鼓) chinois. Il peut être porté à la hanche ou posé au sol. Pareil que le kkwaenggwari, il est présent dans le salmunori.
Addenda
- *J’ai analysé l’introduction et l’adaptation de la musique occidentale à Taiwan au XXème siècle dans mon diplôme de licence sous le titre L’identité nationale taïwanaise dans la création musicale (en polonais : Tajwańska tożsamość narodowa w klasycznej twórczości muzycznej) de 2015 à l’Université Jagellon de Cracovie.
Illustrations
- Image liminaire : Ajaeng (아쟁 ; 牙箏)
- ill. 1. Haegeum (해금 ; 奚琴)
- ill. 2. Gayageum (가야금 ; 伽倻琴)
- ill. 3. Geomungo (거문고)
- ill. 4. Yanggeum (양금 ; 洋琴)
- ill. 5. Ajaeng (아쟁 ; 牙箏)
- ill. 6. Daegeum (대금 ; 大笒)
- ill. 7. Piri (피리 ; 觱篥)
- ill. 8. Tungso (퉁소 ; 洞簫)
- ill. 9. Saenghwang (생황 ; 笙簧)
- ill. 10. Taepyeongso (태평소 ; 太平簫)
- ill. 11. Buk (북)
- ill. 12. Kkwaenggwari (꽹과리)
- ill. 13. Jing (징 ; 鉦)
- ill. 14. Janggu (장구 ; 杖鼓 ou 長鼓)
Née en 1993, Polonaise. Diplômée d'une licence en cultures d'Extrême-Orient (Université Jagellon de Cracovie - Pologne, 2012-2015) et d'un master en Arts Libéraux (Université de Varsovie - Pologne, 2016-2018). Étudiante en master à la Faculté des Études Asiatiques à l'Université Jagellon de Cracovie depuis 2021. Fascinée par la civilisation confucéenne et par les interactions interculturelles. Collaboratrice avec Planète Corée depuis 2018.
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