Sommaire
Quand on parle de la tenue coréenne traditionnelle, on parle surtout du hanbok (한복). Et quand on parle de l’architecture coréenne traditionnelle, à quoi pense-t-on ? Certainement aux temples bouddhistes, aux pagodes en pierre, au palais royal et… aux hanok (한옥), anciennes maisons coréennes qui fascinent toujours par leur élégance et fonctionnalité, peaufinées à travers les siècles.
L’esprit coréen
Le nom hanok (한옥 ; hanja : 韓屋), d’après sa version en hanja, signifie littéralement « une maison coréenne » : 韓 désigne la Corée et 屋 signifie « une maison ». Le caractère 韓 apparaît aussi dans les noms comme hanbok (한복 ; 韓服), hanji (한지 ; 韓紙) ou Hanguk (한국 ; 韓國). À ne pas confondre avec le han (한 ; 恨), sentiment et concept philosphique, écrit avec le même syllabogramme dans l’alphabet coréen (한), mais avec un autre idéogramme dans les caractères chinois (恨 – le regret ; la haine).
L’histoire
Le hanok, pareil que le hanbok en matière de tenue, fut une maison des yangban (양반 ; 兩班), l’artistocratie coréenne et la classe dirigeante à l’époque de Joseon (1392-1910). Bien que ce terme puisse être utilisé pour l’ensemble des maisons coréennes traditionnelles, par exemple quand on parle des techniques architecturales basiques ou des solutions ergonomiques locales, il dénote l’habitation de la noblesse en premier lieu.
Les origines
La présence de la population humaine sur la péninsule de Corée remonte jusqu’à la préhistoire, vers 700 000 ans avant le présent, quand les grottes furent des abris temporaires. Ensuite, au néolithique entre 10 000 et 8000 avant notre ère, les premières maisons semi-souterraines apparurent. À l’âge de bronze, des prototypes du système de chauffage, connu sous le nom d’ondol (온돌 ; 溫突), furent installés. D’autres types de constructions se développèrent en même temps : le hyeolcheo (혈처 ; 穴處), qui fut basé sur la maison semi-souterraine, et le sogeo (소거 ; 巢居) qui ressemblait aux habitats sur pilotis ou aux cabanes perchées dans les arbres.
À l’époque des Trois royaumes (57 avant notre ère – 668), les maisons semi-souterraines se transformèrent en architecture en bois plus complexe qui, à son tour, donna naissance au hanok dans les périodes suivantes.
Les peintures murales de la tombe d’Anak no. 3 (안악삼호무덤 ; aujourd’hui, ce terrain appartient à la Corée du Nord), datant du royaume de Koguryo, présentent un complexe de bâtiments dont la structure ressemble au sìhéyuàn (四合院), maison traditionnelle chinoise à cour intérieure. À rappeler aussi le Samguk sagi (삼국사기 ; 三國史記), c’est-à-dire Mémoires historiques des Trois royaumes, où l’un des chapitres est entièrement dédié aux maisons de l’époque.
À l’époque de Joseon
La forme de hanok qu’on connaît aujourd’hui, vient de la période Joseon. Cependant, le système de chauffage ondol a été affiné avant, au royaume de Goryeo (918-1392).
Les résidences des yangban furent des complexes de grands hanok. De fait, elles fonctionnèrent comme des petites unités sociales, des ménages ou « organismes domestiques » avec une hiérarchie intérieure, ce qui correspondait à l’esprit collectif et sévère de la société néo-confucéenne.
La construction
L’architecture en bois à toits aux angles est caractéristique pour tous les pays confucéens. Les hanok différèrent selon les régions, mais leurs éléments constructifs normalement restaient les mêmes. En plus, on pourrait dire, en termes de mode et tendances contemporaines, qu’ils étaient absolument écologiques car les gens n’utilisèrent que des matériaux naturels pour leur construction.
Les fondations étaient en pierre, l’ossature et les pilliers en bois et les murs étaient consitués de paille et de terre. Par rapport aux toits, les hanok aristocratiques possédèrent un toit de tuile qui s’appelait giwajip (기와집). La couleur des tuiles dépendait de la terre utilisée pour la fabrication, d’où vient le nom de Cheongwadae (청와대) aujourd’hui, le palais présidentiel sud-coréen – « la Maison (aux tuiles) bleues ». Les habitations des classes inférieures eurent le toit de chaume ou de paille. Enfin, pour les fenêtres et certaines parties des portes, il utilisa du fameux hanji (한지 ; 韓紙), papier fabriqué avec de la pulpe de bois naturel.
À noter aussi que l’espace du hanok fut divisé par la hiérarchie sociale et par le sexe conformément à l’ethos néo-confucéen. Par exemple, la partie du maître était séparée des chambres appartenant à la maîtresse. Les membres féminins de la famille et la domesticité étaient interdits d’entrer la partie du propriétaire sans son autorisation.
Le système de chauffage ondol
Même si on trouve des prototypes de l’ondol (온돌 ; 溫突) déjà dans la préhistoire coréenne, sa version complète vient uniquement de l’époque de Goryeo.
L’ondol fut un système très efficace et, pareil que dans le cas des matériaux pour la construction du hanok, on pourrait le reconnaître comme écologique de nos jours :
Lorsque la chaleur, venant du foyer de la cuisine, passe à travers des conduits créés sous le gudeul ([구들 – M.A.D] la couche de pierres formant le sol) vers les autres pièces de la maison, l’air chaud qui en émane, remonte et apporte une chaleur ambiante très agréable dans toutes les pièces de la maison. La fumée produite par la combustion sort par la cheminée située de l’autre côte de la maison.
(2015) Faits sur la Corée. Séoul : Ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme, p. 20.
La salle centrale maru
La salle centrale du hanok s’appelle maru (마루). Elle garantissait la fraîcheur en été grâce à un plancher en bois : les planches furent installées au sous-sol pour faire circuler l’air et en conséquence, pour aérer la pièce.
Une version plus sophistiquée de cette salle fut daecheong maru (대청마루 ; 大廳地闆), propre aux maisons aristocratiques. Les cérémonies de marriage, les rites ancestraux ainsi que des banquets élégants y furent célébrés.
Le mot maru est aussi utilisé dans le terme twenmaru (퇸마루), véranda en bois caractéristique qui est alignée au périmètre du sol.
ill. 12. Un twenmaru dans l’une des maisons du village Daedok Songyong (대덕 송용억고택) ill. 13. Un twenmaru d’une autre perspective
Respecter le pungsu
Dans l’ancienne Corée, pour constuire un hanok ou un autre bâtiment, il fallait respecter le pungsu (풍수 ; 風水), l’art de géomancie connu en Occident plutôt sous son nom chinois fēngshuǐ (chinois traditionnel : 風水). L’une des règles principales était baesanimsu (배산임수 ; 背山臨水) dont le nom signifie littéralement « à l’arrière de la montagne, vis-à-vis l’eau ». Cela explique pourquoi :
Les Coréens préféraient un site protégé par des collines ou des montagnes sur trois de leurs côtés, avec un ruisseau ou une rivière passant devant, offrant ainsi un accès facile à l’eau. Les maisons construites dans un tel lieu créent une grande harmonie avec l’environnement (…).
Centre Culturel Coréen de Bruxelles
D’après le pungsu, il faut profiter de l’intégrité cosmologique de la Terre et de l’univers, qui ont la même pulsation vitale. C’est pourquoi une bonne localisation des hanok était un choix très important.
Aujourd’hui
Au début du XXème siècle, la modernisation a apporté un nouveau type de hanok, un tosi hanok (도시한옥 ; 都市韓屋) – autrement dit, un hanok urbain. Cette version a été adaptée aux conditions spatiales et esthétiques des grandes villes. Les villages des hanok contemporains, par exemple Bukchon (북촌한옥마을) à Séoul, continuent cette idée :
Sur la structure urbaine tradtionnelle, ce quartier est composé de tosi hanok (maison traditionnelle modernisée). Ces petites maisons particulières s’alignent en définissant l’îlot traditionnel. Ce type de bâti permet la continuité urbaine. (Kwon, 2017, p. 26)
Le hanok avec ses éléments principaux comme l’ondol, est encore un autre exemple comment la tradition et la modernité coexistent au Pays du Matin Calme. Même si vers 60% des Coréens vivent dans les appartements, ils profitent toujours du système de chauffage traditionnel ou des solutions spatiales, mises en œuvre dans les maisons à l’époque. Et pour ceux qui désirent de voyager dans le temps, il existe une attraction spéciale qui est… dormir dans un vrai hanok !
Dans le drama historique
Les fans du sageuk (사극) connaissent certainement Yongin Daejanggeum Park (용인 대장금 파크) à la ville de Yongin, où plusieurs séries historiques sud-coréennes ont été réalisées. À rappeler le fameux Moon Embracing the Sun (해를 품은 달, 2012), The Scholar Who Walks the Night (밤을 걷는 선비, 2015) ou encore Haechi (해치, 2019). Évidemment, on y trouve des beaux hanok parmi d’autres types de bâtiments, propres à l’architecture de Hanyang (l’ancien nom de Séoul).
Bibliographie
- Jeon Bong-hee (2016). A Cultural History of the Korean House – Understanding of Korea, No. 5. Seoul: Academy of Korea Studies.
- Kwon Haeju (2017). Le « tanji » coréen – modèles et métamorphoses d’un défi urbain. Thèse de doctorat à l’Université Paris-Est.
- (2015) Faits sur la Corée. Séoul : Ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme.
- Découvrir la Corée – La vie en Corée – Hanok (maison traditionnelle), Centre Culturel Coréen de Bruxelles
Illustrations
- Image liminaire : Une photo du village Bukchon Hanok à Séoul (북촌한옥마을)
Illustrations 1-5
- ill. 1. Une photo du village Eunpyeong Hanok à Séoul (은평 한옥마을 ‘덕선재’)
- ill. 2. Le timbre postal de l’Empire coréen de 1900 où le nom en hanja contient le caractère 韓 : 大韓帝國.
- ill. 3. Une reconstruction contemporaine des maisons semi-souterraines sur le site archéologique d’Amsa-dong (암사동) à Séoul. Source : Jeon Bong-hee (2016). A Cultural History of the Korean House – Understanding of Korea, No. 5. Seoul: Academy of Korea Studies, p. 21.
- ill. 4. L’évolution des maisons semi-souterraines vers l’architecture en bois. Source : Jeon Bong-hee (2016). A Cultural History of the Korean House – Understanding of Korea, No. 5. Seoul: Academy of Korea Studies, p. 26.
- ill. 5. Une partie des peintures murales de la tombe d’Anak no. 3 : elle présente une maison de l’époque. Source : Jeon Bong-hee (2016). A Cultural History of the Korean House – Understanding of Korea, No. 5. Seoul: Academy of Korea Studies, p. 29.
Illustrations 6-10
- ill. 6. L’un des hanok dans le village Namsangol Hanok (남산골한옥마을) qui est un complexe de cinq hanok, restaurés et délocalisés à Namsan, datant de l’époque de Joseon. Leurs intérieurs reflètent les goûts de la riche classe moyenne et de l’aristocratie.
- ill. 7. La structure du hanok (termes coréens)
- ill. 8. La structure du hanok (termes anglais)
- ill. 9. Un exemple d’ondol primitif sur le site historique de Pungnap-dong (풍납동) à Séoul. Source : Jeon Bong-hee (2016). A Cultural History of the Korean House – Understanding of Korea, No. 5. Seoul: Academy of Korea Studies, p. 23.
- ill. 10. Le fonctionnement de l’ondol dans un petit hanok classique. Source : Jeon Bong-hee (2016). A Cultural History of the Korean House – Understanding of Korea, No. 5. Seoul: Academy of Korea Studies, p. 34.
Illustrations 11-15
- ill. 11. Un daecheong maru de l’époque de Joseon. Source : Jeon Bong-hee (2016). A Cultural History of the Korean House – Understanding of Korea, No. 5. Seoul: Academy of Korea Studies, p. 38.
- ill. 12. Un twenmaru dans l’une des maisons du village Daedok Songyong (대덕 송용억고택)
- ill. 13. Un twenmaru d’une autre perspective
- ill. 14. Le village Bukcheon Hanok, un exemple du tosi hanok à Séoul
- ill. 15. Une photo d’une partie extérieure du hanok au Yongin Daejanggeum Park à la ville de Yongin
Née en 1993, Polonaise. Diplômée d'une licence en cultures d'Extrême-Orient (Université Jagellon de Cracovie - Pologne, 2012-2015) et d'un master en Arts Libéraux (Université de Varsovie - Pologne, 2016-2018). Étudiante en master à la Faculté des Études Asiatiques à l'Université Jagellon de Cracovie depuis 2021. Fascinée par la civilisation confucéenne et par les interactions interculturelles. Collaboratrice avec Planète Corée depuis 2018.
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