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Quand on pense à la bande dessinée asiatique, le manga japonais est souvent la première chose qui vient à l’esprit. Même si le manga tel qu’on connaît aujourd’hui est une fusion des éléments japonais et occidentaux, la tradition du genre existe aussi dans d’autres pays confucéens.
Le manhwa (만화) ou manhwa coréen est le nom donné à la bande dessinée en Corée. Le terme deviens de plus en plus populaires, et de plus en plus courant. Ce terme est aussi utilisé à l’étranger aujourd’hui pour désigner la bande dessinée coréenne. Part importante de la culture coréenne, le manhwa coréen est très dynamique et se décline sous de nombreuses formes : papier, internet et téléphone mobile.
L’histoire du manhwa coréen
Le mot manhwa (만화 ; hanja : 漫畵) signifie tout simplement « bande dessinée » en coréen. Ce terme a été utilisé pour la première fois en 1923. Avant, c’était le daeum eotji (다음 엇지) qui désigna le genre. Quant au Japon et à la Chine, on parle respectivement du manga (漫画) et au mànhuà (chinois traditionnel : 漫畫 ; chinois simplifié : 漫画). En Corée du Nord, il fonctionne le terme geurimchaek (그림책), c’est-à-dire « livres illustrés ».
La première bande dessinée coréenne fut très loin des bulles occidentales. C’était uniquement à la fin de la période Joseon (1392-1910) quand le manhwa a commencé à se développer. Il s’agit du dessin de presse, illustrations de couvertures de romans, affiches publicitaires etc.
On distingue quatre étapes dans l’histoire du manhwa moderne : 1) l’émergence du genre (1909-1945), 2) le développement du genre (1945-1970), 3) la renaissance du genre (1971-1999), 4) la nouvelle ère du genre (à partir de 2000). On voit bien alors que l’usage du terme manhwa est anachronique dans le cas des premières représentations.
L’émergence du manhwa (1909-1945)
Les premières images, considérées comme manhwa moderne, parurent dans les journaux tels que Daehan Minbo (대한민보 ; 大韓民報) ou Sinhan Minbo (신한민보 ; 新韓民報) ainsi que dans certains manuels, par exemple Gamgak nodongyahakdokbon (감각 노동야학독본 ; 勞動夜學讀本) de Yu Gil-jun (유길준 ; 兪吉濬) de 1908. C’étaient surtout des illustrations satiriques qui dénoncèrent des problèmes actuels dans le pays à la veille de l’annexion. À partir des années 1920, ce genre d’images apparut dans Joseon Ilbo (조선일보 ; 朝鮮日報) et Donga Ilbo (동아일보 ; 東亞日報), deux journaux populaires en Corée sous l’occupation japonaise. Grâce à la lutte contre l’illettrisme, le nombre de lecteurs augmentait progressivement. C’est une information importante car le roman et la presse moderne ont contribué significativement à la naissance et cristallisation des liaisons nationales. Selon Benedict Anderson, auteur du livre L’imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme (Imagined Communities. Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, 1983), ces deux médias ont permis de créer des communautés imaginées, c’est-à-dire le sens d’appartenance à une grande communauté dont les membres partagent la même langue, la même culture et le même terrain. Chaque membre ressent une liaison avec un autre bien qu’ils ne se connaissent pas.
Il existe aussi un terme haehwa (해화 ; 諧畵) qui peut être traduit comme « image humoristique ». Il s’applique pour toutes les illustrations dont le but était de critiquer la situation politique et socio-économique en passant par la moquerie et la caricature.
L’une des images les plus connues qui marquent les origines du manhwa a été dessinée par Lee Do-young (이도영 ; 李道榮 I Do-yeong) et publiée dans le journal Daehan Minbo (대한민보 ; 大韓民報) le 2 juin en 1909. Les mots qui sautent de la bouche du monsieur forment un poème qui contient le titre du journal (les caractères en gras) : « 大局의肝衡 / 韓魂의團聚 / 民聲의機關 / 報道의異彩 ». Le texte une critique cachée des Coréens qui ne étaient pas intéressés par leur patrie et de ceux qui soutenaient les idées pro-japonaises.
Le développement du manhwa (1945-1970)
À partir des années 1950, perturbées par la guerre de Corée (1950-1953), la bande dessinée coréenne, ou plus précisémenet sud-coreéenne, passe à l’étape suivante. De nouveaux genres de manhwa sont apparus, entre autres romantique, fantastique, humoristique ou encore sportif. Ils étaient toujours publiés dans la presse mais aussi dans les magazines thématiques et en format livre.
La diffusion du magazine Manhwa segye (만화세계 ; littéralement : « le monde / l’univers de la bande dessinée »), dédié uniquement au manhwa, ainsi que l’ouverture des daebonso (대본소), qui étaient un genre de bibliothèque, ou encore des manhwabang (만화방 ; littéralement « chambre / pièce de bande dessinée »), appelé aussi manhwagage (만화가게 ; littéralement : « magasin de bande dessinée »), ont accéléré le développement du genre.
À cette époque-là, les fameux dessinateurs de bande dessinée étaient Kim Yong-hwan (김용환) qui est considéré même aujourd’hui comme le père du manhwa, Kim Seong-hwan (김성환), Kim San-ho (김산호), Sin Dong-u (신동우) et Bak Gi-dang (박기당). Kim Seong-hwan est auteur de la série Monsieur Gobau (고바우 영감 Gobau yeonggam), publié dans les journaux Donga Ilbo (동아일보), Joseon Ilbo (조선일보) et Munhwa Ilbo (문화일보). Les premières images viennent de 1955. C’est la plus connue bande dessinée éditoriale sud-coréenne jusqu’à présent.
La renaissance du manhwa (1971-1999)
Les années 1971-1999 sont considérées comme la renaissance de la bande dessinée sud-coréenne. Cette étape peut être divisée en trois sous-périodes : 1) le développement de la bande dessinée pour les enfants (les années 1970), 2) la propre renaissance de la bande dessinée (les années 1980), 3) l’ère industrielle de la bande dessinée (les années 1990).
L’évolution du manhwa est lié également au développement de l’animation. L’une des séries animées de cette époque est Dooly the Little Dinosaur (아기공룡 둘리 Agigongnyong dulli), réalisée entre 1983 et 1993, et basée sur la bande dessinée Dolly (둘리 Dulli, 1983) de Kim Su-jeong (김수정).
Aujourd’hui et le manhwa coréen
Aujourd’hui, la Corée du Sud est l’un des premiers pays producteurs de bandes dessinées au monde. Néanmoins, la nouvelle ère du manhwa coréen qui dure depuis 2000, a déjà vécu des grands changements. À partir de 2010, les webtoons (웹툰 weptun), c’est-à-dire manhwa publiés en ligne et disponibles sur les plateformes appartenant à Naver, ont révolutionnisé l’industrie de la bande dessinée mais aussi des dramas. Ce nouveau format peut être adapté au film ou à la série ainsi que publié en tant que livre. Il arrive aussi que les manhwa déjà imprimés ou même des romans sont adaptés en webtoon. C’est un phénomène très intéressant où l’échange entre les médias numériques et traditionnels est multidirectionnel et il se déroule à plusieurs niveaux.
Quant aux créateurs du manhwa et webtoons contemporains, ce sont entre autres Kang Full (강풀 Gang Pul), auteur de Love Story ou Crush on You (순정만화 Sunjeong manhwa, 2003), Ju Ho-min (주호민), auteur d’Along with Gods (신과 함께 Singwa hamkke, 2010) et Yun Tae-ho (윤태호), auteur de Moss (이끼 Ikki, 2007).
Dans la ville de Bucheon, il se trouve le Musée de la bande desinnée (한국만화박물관 Hanguk Manhwa Bakmulgwan) où on peut découvrir l’histoire du manhwa de même que voir des exemplaires originaux des fameux dessinateurs coréens.
Kbooks en France
Kbooks est une collection de bande dessinées sud-coréennes contemporaines, disponibles en France chez le Groupe Delcourt. On y trouve le manhwa True Beauty (여신강림 Yeosin gangnim, 2018) de Yaongyi (야옹이), adapté aussi à la série sous le même titre, ou encore Qu’est-ce qui cloche avec la sécretaire Kim ? (김비서가 왜 그럴까 Kimbiseoga wae geureolkka, 2015) de Kim Myeong-mi (김명미) et Jeong Gyeong-yun (정경윤) que nous vous recommandons vivement.
Illustrations
- Image liminaire : Une illustration du journal Daehan Minbo (대한민보 ; 大韓民報), le 23 juin 1910. Au centre de la composition, on voit une caricature d’un militaire japonais.
- ill. 1. Une illustration du manuel pour apprendre le coréen au peuple, Gamgak nodongyahakdokbon (감각 노동야학독본 ; 勞動夜學讀本) de Yu Gil-jun (유길준 ; 兪吉濬), publié en 1908, considérée comme l’un premiers exemples du manhwa coréen moderne. L’image présente deux hommes appartenant à deux classes sociales différentes.
- ill. 2. Une illustration qui représente daeum eotji (다음엇지), publiée dans le magazine pour les enfants Bulgeun jeogori (붉은저고리), 1913
- ill. 3. Une page du journal Sinhan Minbo (신한민보 ; 新韓民報) qui présente deux images haehwa (해화 ; 諧畵), le 15 septembre 1909
- ill. 4. L’une des images les plus connues qui marquent les origines du manhwa, publiée dans le journal Daehan Minbo (대한민보 ; 大韓民報), Lee Do-young (이도영 ; 李道榮 I Do-yeong), le 2 juin 1909
- ill. 5. La couverture du magazine Manhwa segye (만화세계), juin 1956
- ill. 6. Un magasin de bande dessinée, manhwa gage (만화가게), Tintin (땡이네 Ttaengine), Musée de la bande dessinée de Bucheon
- ill. 7. Une scène de la série Monsieur Gobau (고바우 영감 Gobau yeonggam), Kim Seong-hwan (김성환), les années 1950
- ill. 8. Un dessin de Dolly (둘리 Dulli) en préparation pour son adaption à la série animée
- ill. 9. La couverture de la bande dessinée Qu’est-ce qui cloche avec la sécretaire Kim ? (김비서가 왜 그럴까 Kimbiseoga wae geureolkka, 2015) de Kim Myeong-mi (김명미) et Jeong Gyeong-yun (정경윤), volume 1, Groupe Delcourt
étudiant en design graphique et design industriel, passionné par la Corée sur toutes ses formes. et nous vous faisons découvrir ce pays merveilleux et sa culture chaque semaine.
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Article intéressant je vais me procurer une BD merci abientot