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Quand on regarde des films ou séries télévisées historiques, on est souvent impressioné par le décor et les costumes. Dans l’industrie cinématographique sud-coréenne, les sageuk (사극) font partie importante du K-drama, et en conséquence de la hallyu (한류).
Dans cet article, nous vous proposons une brève introduction aux costumes que vous voyez les plus souvent dans les productions historiques coréennes. Grâce à cette connaissance, votre rencontre avec les sageuk deviendra encore plus intéressante !
Sociologie du costume
Il convient tout d’abord de souligner que le costume est l’une des manifestations du pouvoir depuis les premiers siècles jusqu’à nos jours. Malgré de grandes transformations des sociétés au XXème et au XXIème siècle (et qui sont toujours en cours, normes sociales y compris), le costume n’est pas une catégorie neutre. Il exprime certaines idées, crée une image de la personne ou de la communauté (ethnique, politique, religieuse, sociale etc.), transmet des messages, ou encore fait de la provocation. Que ce soit une grande civilisation, un petit tribu ou encore une minorité ethnique, le code vestimentaire joue toujours un rôle très important dans notre univers :
C’est une évidence que de rappeler combien le costume est indissociable des conditions socioculturelles dans lesquelles il se porte. Affirmation de soi, il doit pourtant nécessairement rencontrer le regard de l’autre. Par sa visibilité, il est alors conçu comme un message, collectif ou individuel, conscient ou inconscient, que celui qui le revêt s’adresse à lui-même et aux autres.
Cassagnes-Brouquet, Dousset-Seiden, 2012
Alors, le costume constitue une grande partie de l’identité sociale de l’individu mais aussi du collectif. En outre, cela permet aussi de définir les questions tabouisées par telle ou telle société, entre autres la sexualité :
Le costume participe à la construction d’une identité de genre, tantôt revendiquée, tantôt imposée ou refusée, et toujours variable selon l’âge, le statut ou le rang. Dans ce processus, doivent être prises en compte sa fonction érotique ou, au contraire, la volonté de désexualiser ou de masquer le corps qu’il concrétise.
Cassagnes-Brouquet, Dousset-Seiden, 2012
Sageuk, drama historique
L’histoire du sageuk remonte à l’année 1923 et le film muet sous le titre L’histoire de Chunhyang (춘향전 Chunhyang jeon), réalisé par Hayakawa Koshu (早川孤舟), propriétaire du théâtre japonais. Pourtant, c’est uniquement à partir des années 1950, après la guerre de Corée, quand il a commencé à gagner en popularité en Corée du Sud.
Aujourd’hui, le sageuk (사극) est l’un des trois genres basiques avec le drama familial et drama sentimental, à base desquels se forment de nouveaux genres hybrides comme trendy drama ou encore fusion drama (Thévenet, 2008). D’habitude, il reconstruit l’image de l’époque plus ou moins crédible, à l’exception des productions où les univers sont intentionnellement mélangés. Il se caractérise par des splendides décorations et costumes :
Il narre d’une façon plus ou moins romancée certains épisodes de l’histoire nationale, et particulièrement ceux situés pendant la longue dynastie Joseon (1392-1910) ainsi qu’aux époques charnières où se sont illustrés les héros fondateurs. Des scènes de combats y alternent avec d’autres, d’entretiens officiels, de préparation de plans de bataille, de complots… L’accent est généralement mis sur la beauté des décors et des costumes.
Thévenet, 2008
Alors, les costumes qu’on connaît des feuilletons historiques classiques, viennent en grande partie de l’époque Joseon (1392-1910). Cependant, certaines modifications furent introduites au fil de ces longs six siècles, surtout dans la tenue féminine :
Le vêtement typique des femmes sous la dynastie Joseon, très proche de ce que les Coréens d’aujourd’hui considèrent comme étant le costume traditionnel (hanbok), consiste en un court boléro (jeogori) et une longue jupe (chima). Le design du hanbok est resté sensiblement le même au cours des siècles, même si des variations ont affecté la longueur de la veste, la largeur des manches, la longueur et la largeur des rubans sur la veste, la manière de faire des nœuds, l’ampleur de la jupe, le nombre des plis ou encore la hauteur de la taille.
Yi, 2007, p. 48
Costumes royaux
Comme « le costume est indissociable des conditions socioculturelles dans lesquelles il se porte », les costumes royaux coréens soulignent l’authorité du souverain, sa famille et toute la cour. (Cassagnes-Brouquet, Dousset-Seiden, 2012) On y trouve des symboles tels que le dragon et le phœnix en combinaison avec les couleurs rouge et jaune, et d’autres éléments qui montrent ensemble le statut unique de leurs porteurs.
Roi
En Corée féodale, le roi couronna le sommet de la pyramide sociale. Conformément au mandat céleste (천명 ; 天命 cheonmyeong), il fut le fils des cieux ainsi que le père de toute la nation. Il eut donc une grande responsabilité bien que l’abus du pouvoir fût très fréquent.
Dans les séries, « le Roi-Soleil » coréen (d’ailleurs, le soleil désigne l’élément masculin royal dans l’iconographie coréenne, par exemple sur le fameux paravent irworobongdo [일월오봉도 ; 日月五峯圖]) porte habituellement la robe gollyongpo (곤룡포; 衮龍袍) ou hongryongpo (홍룡포 ; 紅龍袍). Toutes les deux rouges, à la broderie d’or et avec l’ojoryongbo (오조룡보 ; 五爪龍補), image du dragon à cinq griffes en cercle, la première est fermée avec du ruban tandis que l’autre est boutonnée au niveau du cou. La hongryongpo est accompagnée par l’okdae (옥대 ; 玉帶), ceinture en cuir et en soie, ornée de jade. Les okdae sont aussi portés par les princes, les eunuques et les officiels lors des sessions de la Cour.
Quant à couvre-chefs, le roi se distingue par l’ikseongwan (익선관 ; 翼善冠), chapeau réservé au souverain. Il porte des chaussures à col montant, le même modèle que les eunuques et les officiels, mais avec des ornements plus sophistiqués.


Reine
En conformité avec le mandat céleste, la reine fut la mère de toute la nation et elle soutint son époux dans l’accomplissement de ses devoirs. Après le roi et la reine-mère, elle fut la troisième personne la plus importante dans tout le royaume.
Dans les sageuk, elle porte le hanbok (한복 ; 韓服) royal féminin. Le dangeui (당의 ; 唐衣) est une forme plus longue de jeogori (저고리 ; 赤古里), donc le boléro fermé à ruban goreum (고름), orné avec le motif du dragon pour souligner son statut de l’épouse royale. Lors des grandes cérémonies comme l’avènement du nouveau Roi et la nouvelle Reine, elle porte la jeogui (적의 ; 翟衣), robe composée à base de wonsam (원삼 ; 圓衫), accompagnée par la hwagwan (화관 花冠), grande couronne décorée avec plusieurs épingles à cheveux. Pourtant :
Dans les feuilletons historiques télévisés d’aujourd’hui, les reines ou les reines-mères apparaissent dans de superbes dangeui, y compris dans la vie quotidienne, ce qui est une erreur.
Yi, 2007, p. 49
Quant aux princesses et concubines royales, elles portent des hanbok plus modestes par rapport à celui de la reine, mais toujours élégant et soulignant leur statut de « femmes du roi », filles royales ou belles-filles royales.

Cour
De nombreuses personnes travaillèrent à la cour royale qui était strictement hiérarchisé. Dans les séries, on retrouve souvent des eunuques et des dames de la cour avec leurs costumes caractéristiques.
Eunuques
Les naesi (내시 ; 內侍 naesi), donc les eunuques, portent la robe dallyeong (단령 ; 團領), la ceinture okdae (옥대 ; 玉帶) mais différente de celle du roi, et le couvre-chef qui s’appelle pyeongjeonggwan (평정관).

Dames de la cour
Les gungnyeo (궁녀 ; 宮女), littéralement « les femmes de palais », portent le hanbok (한복 ; 韓服) des dames de la cour, parfois avec le dangeui (당의 ; 唐衣). Cette tenue varie selon le rang de la dame et le palais auquel elle est affiliée. En outre :
Lors des cérémonies officielles, les dames de la cour ou de l’aristocratie de Joseon portaient une tunique longue (dangeui), dont les pans se terminaient en arrondi.
Yi, 2007, p. 49

Costumes aristocratiques
Les costumes des yangban (양반 ; 兩班), élite sociale à l’époque de Joseon, se caratérisent par la finesse du tissu et l’accompagnement des riches accessoires. Leur base fut toujours le hanbok classique.
Quant aux chaussures, on voit souvent sur l’écran les hye (혜 ; 鞋), type de chaussures qui ne couvrent pas la cheville, et aussi les beoseon (버선), longues chaussettes blanches. Leurs styles, couleurs et la taille sont différents pour les femmes et pour les hommes.
Hommes
Il existe plusieurs type de vêtements masculins. L’un des plus connus est duramagi (두루마기), appelé aussi juchaeui (주차의 ; 周遮衣), ou encore jumageui (주막의 ; 周莫衣), genre de manteau composé à base de hanbok. Il appartient à la catégorie vestimentaire de po (포 ; 袍), tenue d’extérieur.
Les hommes portent également de chapeaux hauts caractéristiques. Parmi lesquels, gat (갓), chapeau d’extérieur noir, transparent et fait à crinière de cheval avec un bambou ou jeongjagwan (정자관 ; 程子冠), couvre-chef d’intérieur. Leur forme est adaptée au sangtu (상투), chignon masculin.
Femmes
Les femmes d’origine noble furent obligées d’avoir une tenue élégante, mais toujours décente. Comme déjà mentionné, le costume joue un rôle imporant dans la construction d’une identité de genre, qui varie selon l’âge, le statut et le rang. Par conséquent, dans ce conxtexte, « doivent être prises en compte sa fonction érotique ou, au contraire, la volonté de désexualiser ou de masquer le corps qu’il concrétise. » (Cassagnes-Brouquet, Dousset-Seiden, 2012)
Alors, la structure du hanbok permet de garder la chasteté d’un vêtement en cachant la silhouette féminine et ainsi évitant des provocations potentielles. Pour cette raison, les femmes mettent de temps en temps un jangot (장옷 ; 長衣), genre de manteau qui couvrent tout le corps de la tête aux pieds.
Quant aux styles et mélanges des couleurs, il existe plusieurs règles à suivre. Par exemple :
Si les Coréennes d’aujourd’hui portent des ensembles de couleur unie ou apparentée, pendant la période de Joseon, la règle était d’associer des blouses et des jupes de couleurs conrastées ; les extrémités des manches surtout et les liserés devaient être de couleurs tranchées. Les combinaisons les plus fréquentes pour les dames de l’aristocratie étaient des jupes bleu marine, des boléros jaunes ou couleur jade avec des liserés mauves au col, aux aisselles et à l’extrémite des manches.
Yi, 2007, p. 49

Costumes cérémoniaux
Il y a deux cérémonies qui se distinguent en premier lieu par des costumes élaborés. Il s’agit du mariage et des funérailles, suivies par la période de deuil. Dans les séries, ces scènes sont très vives, pleines de couleurs et d’accessoires intéressants.
Mariage
Lors des cérémonies de mariage, les hommes portent un genre de dallyeong (단령 ; 團領) et les femmes la hwarot (활옷 ; 闊衣), robe basée sur la wonsam (원삼 ; 圓衫). La mariée a également une hwagwan (화관 花冠), mais moins sophistiquée que celle réservée à la reine, et l’apdaenggi (앞댕기), ruban rituel qui est accroché à l’épingle à cheveux dans son chignon.


Funérailles et deuil
Contrairement à la civilisation occidentale, le blanc est la couleur du deuil dans la culture coréenne traditionnelle. Lors des funérailles ainsi que de la période de deuil, les endeuillés portent le sangbok (상복 ; 喪服), connu aussi sous le nom de sobok (소복 ; 素服).

Costumes du peuple
Les paysans portent une version simple et humble du hanbok. Comme les chaussures en cuir et à la broderie coûtent très cher, ils mettent seulement les jipsin (짚신), chaussures en paille. En raison de leur pauvreté et statut social inférieur, ils ne peuvent pas acheter de bijoux ou d’autres accessoires.

Accessoires
Le costume est toujours accompagné par des accessoires variés. Dans l’histoire de la tenu coréenne traditionnelle, on trouve des objets si sophistiqués que les pendentifs, épingles à cheuveux, pochettes, rubans et des bijoux.
Norigae, pendentif
Le norigae (노리개) est un pendentif féminin accroché au jeogori (저고리 ; 赤古里). Il est toujours composé de trois parties : « un cordeon en haut, la partie centrale qui constitue l’ornement principal, et une traîne de fils de soie, d’or ou d’argent » (Yi, 2007, p. 61). Il est décoré avec les maedup (매듭), nœuds traditionnels coréens.
Lors des grandes cérémonies, la plupart des femmes à la cour royale portent des samjak norigae (삼작노리개 ; 三作노리개), « assemblage de trois norigae de grande dimension, dont la partie centrale est richement décorée et dont la traîne est séparée en deux (…) ». (Yi, 2007, p. 61)

Binyeo, épingle à cheveux
Il paraît que la binyeo (비녀) est l’un des accessoires les plus caratéristiques dans la mode féminine traditionnelle coréenne. Fixée dans le chignon des femmes mariées, elle montre leur statut social ainsi que le rôle de l’épouse, contrairement aux demoiselles qui portent des longues tresses nouées avec un ruban.
Les binyeo se divisent en plusieurs types qui varient selon l’occasion et la position sociale. En conséquence, leurs noms dépendent du statut de la porteuse, la situation ou l’ornement. Parmi les épingles cérémoniales, on trouve la yongjam (용잠 ; 龍簪) à tête de dragon, la bongjam (봉잠 ; 鳳簪) à tête de phœnix et la maejukjam (매죽잠 ; 梅竹簪) à feuilles de bambou et fleurs de prunier.
Les femmes du peuple portent des binyeo en bois, parfois à tête sculptée.

Pochettes
« Comme le hanbok traditionnel ne comporte pas de poches, la présence d’une pochette s’imposait pour porter avec soi quelques menus objets indispensables. D’où cette pochette assez pratique accroché à la ceinture et portée à l’intérieur de la jupe. » (Yi, 2007, p. 62) Alors, on peut dire que ces petites pochettes fonctionnèrent comme des anciens sacs.
Les pochettes, pareil que les pendentifs norigae, sont décorées avec les maedup. Elle peuvent aussi avoir un riche symbolioque comme l’obang nangja (오방낭자 , 五方囊子), type pochette aux couleurs des cinq points cardinaux, « les cinq couleurs fondamentales qui symbolisent respectivement l’est, l’ouest, le sud et le nord, ainsi que le centre, conformément à la conception de la cosmologie traditionnelle de l’Asie. » (Yi, 2007, p. 63) Ensuite, chaque point cardinal renvoie également aux quatre gardiens de la Corée, donc le tigre blanc (백호 ; 白虎 baekho), le dragon bleu (청룡 ; 靑龍 cheongryong), phœnix rouge (주작 ; 朱雀 jujak) et la tortue noire (현무 ; 玄武 hyeonmu).

Bibliographie
- Cassagnes-Brouquet Sophie, Dousset-Seiden Christine (2012). « Genre, normes et langages du costume », Clio. Femmes, Genre, Histoire [En ligne], 36 | 2012.
- Thévenet Stéphane (2008). « Les « nouvelles » formes à succès des feuilletons télévisés sud-coréens », Entrelacs [En ligne], HS | 2008.
- Yi Sông-mi (2007). Raffinement, élégance et vertu. Les femmes coréennes dans les Arts et les Lettres. Paris : Éditions Autres Temps.
Illustrations
- Image liminaire : Binyeo (비녀), épingle à cheveux, type yongjam (용잠 ; 龍簪 de tête de dragon)
- ill. 1. Gollyongpo (곤룡포; 衮龍袍), robe quotidienne officielle du roi
- ill. 2. Hongryongpo (홍룡포 ; 紅龍袍) dans la série Queen for Seven Days (7일의 왕비 7 Ierui wangbi, 2017)
- ill. 3. Hanbok (한복 ; 韓服) de la reine dans la série Dong Yi (동이, 2010)
- ill. 4. Dallyeong (단령 ; 團領) d’eunuque dans la série Moon Embracing the Sun (해를 품은 달 Haereul pumeun dal, 2012)
- ill. 5. Hanbok (한복 ; 韓服), modèle pour la dame de la cour dans la série The Red Sleeve (옷소매 붉은 끝동 Ossomae bolgeun kkeutdong, 2021)
- ill. 6. Duramagi (두루마기) et hanbok féminin (한복 ; 韓服) dans la série The King’s Affection (연모 Yeonmo, 2021)
- ill. 7. Hwarot (활옷 ; 闊衣) dans la série Grand Prince (대군 – 사랑을 그리다 Daegun – sarangeul geurida, 2018)
- ill. 8. Dallyeong (단령 ; 團領) de marié dans la série Grand Prince (대군 – 사랑을 그리다 Daegun – sarangeul geurida, 2018)
- ill. 9. Sangbok (상복 ; 喪服) dans la série Queen for Seven Days (7일의 왕비 7 Ierui wangbi, 2017)
- ill. 10. Hanbok (한복 ; 韓服) des paysans dans la série 100 Days My Prince (백일의 낭군님 Baegireui nanggunnim, 2018)
- ill. 11. Norigae (노리개) dans la série Mr. Sunshine (미스터 션샤인 Miseuteo syeonsyain, 2018)
- ill. 12. Binyeo (비녀) dans le type de bongjam (봉잠 ; 鳳簪), à tête de phœnix, dans la série Moon Embracing the Sun (해를 품은 달 Haereul pumeun dal, 2012)
- ill. 13. Obang nangja (오방낭자 , 五方囊子), type pochette aux couleurs des cinq points cardinaux
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Née en 1993, Polonaise. Diplômée d'une licence en cultures d'Extrême-Orient (Université Jagellon de Cracovie - Pologne, 2012-2015) et d'un master en Arts Libéraux (Université de Varsovie - Pologne, 2016-2018). Étudiante en master à la Faculté des Études Asiatiques à l'Université Jagellon de Cracovie depuis 2021. Fascinée par la civilisation confucéenne et par les interactions interculturelles. Collaboratrice avec Planète Corée depuis 2018.
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