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« Les femmes de réconfort », c’est un terme euphémique et controversé qui désigne les femmes forcées à la prostitution par les Japonais et leurs collaborateurs durant leur expansion impériale en Asie. Il s’applique aux victimes de l’époque de la Seconde Guerre Mondiale (1939-1945) essentiellement.
Le mot japonais ianfu (慰安婦) signifie littéralement « femmes de réconfort » ou « femmes consolantes ». La traduction est similaire dans la langue chinoise, wèi’ān fù (caractères traditionnels : 慰安婦 ; simplifiés : 慰安妇) et coréenne, wianbu (위안부 ; hanja : 慰安婦). Ce qui peut paraître ironique, ce que le caractère 安 an, utilisé aussi en japonais qu’en chinois et hanja, symbolise la tranquillité et la paix…
L’esclavage sexuel
Il est dit qu’après le massacre de Nankin (1937-1938), appelé aussi le sac de Nankin ou le viol de Nankin, quand les soldats japonais ont violé et tué d’une façon brutale presque 80 000 femmes, surtout des Chinoises, le gouvernement japonais a décidé de fonder des maisons de prostitution où les soldats pourraient satisfaire leurs désirs.
Au début, le recrutement comprenait seulement les Japonaises mais comme leur nombre s’est avéré insuffisant par rapport aux « besoins » des soldats, les femmes d’autres origines ethniques ont aussi été enrôlées. En conséquence, avec une expansion japonaise militaire dans la région de l’est asiatique (notamment la Corée, la Chine, les Philippines, la Birmanie, le Cambodge, le Laos, la Malaisie), une nouvelle forme de prostitution organisée est apparue.
D’abord, les Japonais ont fondé plusieurs « maisons d’emploi » pour encourager des femmes locales à chercher un travail. En réalité, c’était une ruse assez sophistiquée et les femmes, une fois entrées, y restaient pour fournir des services sexuels aux soldats japonais et à leurs collaborateurs. Et même si certaines femmes y entraient en se doutant des conséquences, beaucoup d’autres n’en savaient rien. Celles qui voulaient quitter les maisons étaient forcées à rester. Ainsi, il est justifié d’appeler tout ce système un esclavage sexuel.
La Corée sous la domination japonaise
La Corée a subi l’occupation japonaise dès 1910 et celle-ci a duré jusqu’en 1945. L’expansion des Japonais était motivée autant par la politique impériale que par les besoins économiques du pays moderne. Du fait des campagnes militaires, la production industrielle, surtout la production d’armes, exigeait l’exploitation intensifiée des ressources naturelles que la Corée, précisément, pouvait offrir.
D’après l’idéologie nationaliste de l’Empire japonais, les Coréens sont devenus des sous-citoyens : ils ne pouvaient pas exercer toutes les fonctions publiques et la culture coréenne a été dominée par celle du Japon, y compris pour la langue officielle. Même si la décennie 1920-1930 a apporté le munhwa jeongchi (문화 정치), c’est-à-dire « la politique culturelle » allégée et assez libérale, les Coréens et leur culture restaient dominés et abusés par les envahisseurs.
L’hommage rendu aux victimes
En novembre 2018, Washington Coalition for Comfort Women Issues a organisé un festival du cinéma international sur les femmes de réconfort. Le programme incluait les documentaires comme les fictions inspirées de faits réels.
L’un des films présentés au festival, était I Can Speak (아이 캔 스피크 Ai kaen seupikeu), réalisé en 2017 par Kim Hyun-seok (김현석 Gim Hyeon-seok). Il raconte l’histoire contemporaine d’un jeune fonctionnaire qui commence son nouveau travail au bureau public. Tout de suite, il doit faire face à une dame plus âgée qui vient régulièrement au bureau pour intenter de nombreuses actions en justice. Tout le monde la trouve détestable. Mais c’est à la faveur d’une confession sincère que se dévoile le passé dramatique de cette femme…
Devant l’ambassade du Japon à Séoul, il y a Pyeonghwaui sonyeosang (평화의 소녀상), c’est-à-dire la Statue de la Paix, appellée aussi Sonyeosang (소녀상), la Statue de Fille. C’est un monument commémoratif qui représente une fille, habillée en tenue traditionnelle coréenne, dont les yeux regardent significativement le bâtiment de l’ambassade. L’installation de cette sculpture, proposée par le Conseil coréen pour les femmes victimes de l’esclavage sexuel militaire par le Japon, est conçue comme une figure d’insistance auprès des officiels japonais, afin qu’ils reconnaissent enfin leur responsabilité dans les crimes commis contre les Coréennes réduites à l’état de femmes de réconfort.
Les crimes toujours mis en question
C’est seulement dans les années 1990 que les « femmes de réconfort » survivantes ont commencé à réclamer une reconnaissance officielle et certaines compensations de la part du gouvernement japonais. À partir de ce moment-là, les relations diplomatiques nippo-coréennes se sont durcies. Chaque déclaration ou chaque livre historique japonais soulevant la culpabilité des Japonais provoque des réactions fortes en Corée. Et même si Kōno Yōhei (河野洋平), porte-parole du gouvernement japonais, a présenté en 1993 la déclaration de Kono dans laquelle les Japonais ont reconnu théoriquement qu’ils avaient contribué à l’esclavage sexuel, les controverses ne disparaissent pas. De plus, une société connue sous le nom d’Atarashii Rekishi Kyōkasho o Tsukuru Kai (しい歴史教科書をつくる会) a été fondée en 1996 pour promouvoir dans les manuels scolaires une fausse vision de l’histoire, en faveur du Japon.
Ce qui rend les relations nippo-coréennes encore plus difficiles, c’est le fait que les criminels de guerre soient consacrés au temple Yasukuni (靖国神社) à Tokyo où l’empereur et les hommes politiques japonais rendent toujours des visites officielles. Tōjō Hideki (東條 英機, 1884-1948), Itagaki Seishirō (板垣 征四郎, 1885-1948), Matsui Iwane (松井 石根, 1878-1948), autant de noms de militaires-criminels honorés comme les déités dans le shintoïsme, système de croyances traditionnelles au Japon.
La tension entre la Corée et le Japon sur l’interprétation de l’histoire n’est pas un cas exceptionnel. On peut retrouver beaucoup d’autres exemples extrêmes et difficiles dans tous les pays et toutes les régions du monde entier. Il semble donc que les discussions autour des crimes de guerre ne soient qu’une forme de jeu politique, à savoir que les vraies souffrances et la dignité des victimes ne comptent pas ; que l’élite reste une élite et que le peuple reste un peuple ; que la vérité historique doit garder le silence parce qu’elle est trop difficile à accepter et qu’elle demande de reconnaître ses propres fautes et d’en payer les conséquences.
Sources recommandées
- Wassermann Lucile (2015). À Séoul, les « femmes de réconfort » perdent leur statue. En : Le Monde, le 29 décembre 2015.
- Guex Samuel (2015). The History Textbook Controversy in Japan and South Korea. En: (2015) Cipango – French Journal of Japanese Studies, 4/2015.
étudiant en design graphique et design industriel, passionné par la Corée sur toutes ses formes. et nous vous faisons découvrir ce pays merveilleux et sa culture chaque semaine.
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