Sommaire
L’expression ppalli ppalli (빨리빨리) est devenue l’un des symboles de la Corée du Sud, avec la K-pop, les dramas et des grands chaebol (재벌) comme Samsung ou LG. De fait, elle a créé une nouvelle mode de vie, voire une nouvelle culture qu’on pourrait appeler « la culture de vitesse ».
Étymologie
En coréen, l’expression ppalli ppalli (빨리빨리) est dérivé de l’adjectif ppareuda (빠르다), traduit comme « être rapide ». De fait, c’est un adverbe doublé qui est devenu un terme indépendant et il signifie littéralement « vite, vite ». Dans le langage quotidien, on peut entendre tout simplement ppalli (빨리) dans une situation de précipitation. Les amateurs des dramas le connaissent certainement par cœur.
Culture d’entreprise
Ppalli ppalii est devenu synonyme de toute la culture d’entreprise et dans une certaine mesure, l’une des caractéristiques du miracle économique en Corée du Sud. La culture d’entreprise peut être définie comme un ensemble des valeurs, règles, comportements et d’autres facteurs qui constituent le fonctionnement de l’entreprise et les relations internes entre les employés. La stratégie ou la politique d’entreprise y fait partie. Ensuite :
Selon Smircich (1983) [Linda Smircich – M.A.D.], l’entreprise a et est une culture. Une entreprise a tout d’abord une culture. Elle dispose en effet d’une variable d’action qui vient se placer à côté d’autres domaines de la gestion (marketing, finance, stratégie, logistique). (…) Ensuite, une entreprise est une culture. C’est en effet un groupement social qui produit de la culture : un « moule qui modèle ses membres ». Ce fait se caractérise par un ensemble de valeurs, règles, rites, symboles et mythes qui vont formater les membres de l’organisation.
Durand, 2008, p. 3
Dans « le moule qui modèle ses membres », l’idée d’aller vite est essentielle. Si « être rapide » signifie « être efficace », c’est une preuve que ppalli ppalli fonctionne en pratique. À noter que la vitesse ne peut pas diminuer la qualité du travail.
Hoesik, l’after work à la coréenne
La culture d’entreprise sud-coréenne est maintenue par le hoesik (회식 ; hanja : 會食 ; littéralement « repas ensemble » ou « repas en groupe »), genre de rendez-vous professionnel, organisé au restaurant ou au bar après les horaires de travail. Officiellement, il ne fait pas partie du travail ; officieusement, il est conseillé d’y participer car cela permet de renforcer l’esprit collectif et les liaisons profesionnelles. Les soirées arrosées de soju (소주) ou d’autres types d’alcool, souvent animées par le karaoké (tellement adoré par les Coréens ainsi que par leurs voisins, donc les Chinois et les Japonais) sont une occasion de s’amuser et contribuer à la vie professionnelle en même temps.
En Corée du Sud, le hoesik détermine le caractère de soit-disant after work. Malgré les effets bénéfiques du hoesik, cette pratique est critiquée par certains Coréens. D’habitude, la vie professionnelle prédomine la vie privée ce qui pose des problèmes au niveau de l’éthique de travail et le Code du travail : les employés ne sont pas payés pour la participation aux hoesik ; il arrive aussi que le patron organise une soirée lors d’un week-end ou un autre jour férié et cela influence négativement la vie familiale. De plus, les employés n’aiment pas être forcés à boire beaucoup d’alcool et à manger s’ils n’ont pas envie de le faire. Il paraît que c’est le côté défavorable du collectivisme dans tous les pays confucéens.
Aller vite mais sans stress ?
En Occident, aller vite est associé automatiquement avec le stress, le consumérisme et même la déshumanisation. Dans la postmodernité, époque numérique ou encore l’ère de l’information où la vitesse de la vie accélère de plus en plus, le concept de ppalli ppalli est une conséquence naturelle et aussi une stratégie d’adaptation. En conséquence, la Corée du Sud qui parie sur le développement économique et technologique ne peut pas ralentir. Cependant, il semble que les Coréens se débrouillent bien et qu’ils savent comment lier la grande vitesse avec la tranquillité. Et quels résultats cette politique du futur apportera pour le Pays du Matin calme, cela reste toujours une question ouverte.
Bibliographie
- Durand Bruno (2008). La culture d’entreprise comme facteur de réussite des fusions transnationales : l’exemple de Graveleau et Dachser. En : (2008) Cahiers du CEDIMES (Collection) 2008, vol. 2, n° 1, p. 51-69.
Illustrations
- Image liminaire : Sungnyemun (숭례문 Sungryemun) ou Namdaemun (남대문), l’une des anciennes portes de la muraille de Séoul à l’époque de Joseon.
- ill. 1. Un exemple de hoesik en Corée du Sud
Née en 1993, Polonaise. Diplômée d'une licence en cultures d'Extrême-Orient (Université Jagellon de Cracovie - Pologne, 2012-2015) et d'un master en Arts Libéraux (Université de Varsovie - Pologne, 2016-2018). Étudiante en master à la Faculté des Études Asiatiques à l'Université Jagellon de Cracovie depuis 2021. Fascinée par la civilisation confucéenne et par les interactions interculturelles. Collaboratrice avec Planète Corée depuis 2018.
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