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Cela fait longtemps que nous n’avons pas présenté une analyse d’un drama coréen. Celui que nous vous présentons dans cet article est issu d’une production Netflix et se nomme « The 8 Show ». On ne peut pas parler ici d’une production indépendantes sud Coréenne. À première vue, en voyant la bande-annonce, j’ai d’abord trouvé le même esprit graphique et narratif que dans « Squid Game ». Cependant, bien que ce programme fonctionne avec les mêmes mécanismes narratifs, dès la fin du deuxième épisode, on voit qu’il critique et met en lumière d’autres travers de la société coréenne.
Ces systèmes de naration sont devenus surexploités dans les productions coréennes, depuis la popularisation du genres coréen, la dénonciation des mêmes travers de la société coréenne est devenue courante. Nous vous proposons dans cet article une analyse sociologique, philosophique, et une étude des comportements de groupe de « The 8 Show ».
Inspiration et Thématique
« The 8 Show » est inspiré des séries « Money Game » et « Pie Game » de Jin Soo Bae (배진수). Une thématique récurrente émerge une nouvelle fois : une production coréenne nous reparle d’argent, des problèmes d’inégalités et des usuriers très présents dans la société coréenne. Les problèmes d’inégalités sont excessivement dénoncés dans les productions audiovisuelles récentes. De ce point de vue, le drama n’innove en rien. On sent bien qu’il s’agit d’une production Netflix, qui a bien adapté les codes initialement présents dans les dramas coréens. Les productions Netflix ont permis une mise en lumiére de masse des productions Coréennes !
La Répartition des Gains
La série utilise une suite de Fibonacci pour répartir les gains des participants en fonction des étages, mais qu’est ce que la suite de Fibonacci, et comment fonctionne elle ?
La suite de Fibonacci est une suite de nombres entiers dans laquelle chaque nombre est la somme des deux nombres qui le précèdent. Elle commence par les nombres 0 et 1, puis se poursuit avec 1 (comme somme de 0 et 1), 2 (comme somme de 1 et 1), 3 (comme somme de 1 et 2), 5 (comme somme de 2 et 3), 8 (comme somme de 3 et 5), et ainsi de suite. Les termes de cette suite, appelés nombres de Fibonacci, sont liés au nombre d’or, noté φ (phi), qui intervient dans l’expression du terme général de la suite. Inversement, la suite de Fibonacci intervient dans l’écriture des réduites de l’expression de φ en fraction continue : les quotients de deux termes consécutifs de la suite de Fibonacci sont les meilleures approximations du nombre d’or.
Comment la suite de Fibonacci est elle appliquée et mise en œuvre dans la série ? Elle est utilisée dans la répartition des gains par minute des joueurs…
- 1er étage : 10 000 Wons
- 2ème étage : 20 000 Wons
- 1er étage + 2ème étage = 3ème étage (30 000 Wons)
- 2ème étage + 3ème étage = 4ème étage (50 000 Wons)
- 3ème étage + 4ème étage = 5ème étage (80 000 Wons)
- 4ème étage + 5ème étage = 6ème étage (130 000 Wons)
- 5ème étage + 6ème étage = 7ème étage (210 000 Wons)
- 6ème étage + 7ème étage = 8ème étage (340 000 Wons)
Une Claque de Classe
Dès le début du deuxième épisode, la joueuse numéro 8 met en lumière une prise de conscience intéressante. Elle gagne 340 000 Wons par minute, tandis que les autres étages gagnent beaucoup moins, avec un gain dégressif par étage. Son comportement est en adéquation avec ses gains et illustre parfaitement ce qui peut se produire dans la vraie vie entre les classes aisée et modeste. Elle ne comprend pas quand ses camarades lui font part de leurs revenus.
Elle estime qu’elle na pas a travailler car elle gagne beaucoup naturellement, et attend une soumission parfaite des autres par rapport à elle.
Les arrivé de la nourriture arrivant d’abord par son étage elle mange sans gêne toute la nourriture, la sienne et celle des autres. Et grâce a ses gains élevés, elle ne se prive de rien en se créant un intérieur de chambre très luxueux. Les autres ne lui importent désormais peu, voire pas.
Le 8ème étage, dans le 4ème épisode, est l’illustration parfaite de la place du riche et de ses préoccupations dans la société. Elle est parfaitement indifférente au fait de savoir si les autres en dessous mangent ou non. On peut donc dire que sa pyramide de Maslow est pleine par rapport aux autres. On voit le 8ème étage toujours habillé différemment des autres, elle porte toujours de beaux vêtements, alors que les autres sont vêtus des vêtements par défaut du show.
argent va remplacer chez elle le besoin de sociabilité. Autrement dit, elle pourrait s’isoler parfaitement des autres à son 8e étage sans que cella ne change rien pour elle. Le personnage du huitième étage, est la représentation parfaite de la place du riche et de ses préoccupations dans la société.
Réflexion sur la Société
Le phénomène observé dans « The 8 Show » peut être mis en perspective avec des responsables de très grosses entreprises, comme certains hommes plus riche au monde, lorsqu’il se fait interviewé par une équipe de France TV et qu’il feint de ne pas comprendre la difficulté pour les classes les plus modestes de joindre les deux bouts. Cette compréhension n’est pas possible immédiatement, puisque les protagonistes ne vivent pas dans le même univers financier.
Les Rôles et la Société
«Quand chacun remplit vraiment son rôle, la société commence enfin à fonctionner de manière stable.» La série montre que chacun a besoin d’un rôle dans une société. Le numéro 7 semble être le cerveau de l’aventure. C’est lui qui trouve chaque élément important et qui découvre que monter et descendre les marches permet d’augmenter le temps du jeu. Cependant, cette méthode ne fonctionne pas pour augmenter le temps. En fait, ils sont un peu comme des influenceurs dans cette aventure, et leur but est de divertir les téléspectateurs, dont on ignore tout pour le moment. Il y a une bonne analyse de la situation dans l’épisode dédié au troisième étage. L’une des informations importantes que l’on apprend est que quand les téléspectateurs se divertissent, les participants gagnent du temps.
Une société d’image
« Les téléspectateurs… On doit les divertir… » Nous vivons de plus en plus dans une société d’image, de divertissements et cette phrase du narrateur en est la preuve.
Références Visuelles et Influences
On ressent les influences visuelles de « Squid Game » : esthétique, lumière, image léchée et aseptisée, très internationale. On note également une forte référence à «Orange Mécanique», notamment pour les épisodes 7 et 8, que ce soit dans le principe de torture ou l’utilisation de musique classique lors des moments de violence extrême.
On peut constater au début de la série que le format de l’image est carré. Lorsqu’ils entrent dans le show, l’image passe subitement en 16:9, sans doute une référence au film « Mommy » de Xavier Dolan, où le changement de format montre une forme de libération. Dans « The 8 Show », il s’agit d’une libération financière car les participants n’ont plus de soucis d’argent une fois dans le show.
Expériences Sociales
L’expérience sur le conformisme dans un groupe, menée par Solomon Asch en 1951, est une étude classique en psychologie sociale qui démontre le pouvoir du conformisme sur les décisions d’un individu au sein d’un groupe.
Le Protocole
- Participants : Un groupe d’étudiants était invité à participer à un prétendu test de vision.
- Tâche : Les participants devaient juger la longueur de plusieurs lignes tracées sur des affiches et identifier laquelle des trois lignes de droite avait la même longueur que la ligne « témoin » de gauche.
- Complices : Tous les participants, sauf un, étaient des complices de l’expérimentateur. Leur rôle était de donner une mauvaise réponse à chaque fois.
- Sujet : Le dernier participant, qui était le sujet de l’étude, devait donner sa réponse après avoir entendu celles des complices.
Les Résultats
- Conformisme : L’expérience a montré que 33 % des sujets finissaient par se conformer aux mauvaises réponses soutenues à l’unanimité par les complices, même si cela allait contre leur propre jugement visuel.
- Influence du groupe : Lorsque les complices donnaient une réponse unanime, les sujets étaient plus susceptibles de se conformer. Cependant, si un complice donnait une réponse correcte, les sujets étaient plus enclins à défendre leur propre jugement.
- Variations : L’expérience a été reproduite avec des variantes, comme faire répondre le sujet en premier, demander à un complice de donner de bonnes réponses, ou réduire le groupe à deux participants. Les résultats ont montré que les sujets répondaient correctement dans la plupart des situations, sauf lorsqu’ils devaient soutenir des réponses qui allaient à l’encontre de l’avis unanime du groupe.
Interprétation
- Pression sociale : Le conformisme est motivé par le besoin de ne pas apparaître comme différent ou de risquer une possible sanction de la majorité.
- Culture : Les cultures collectivistes, où l’importance du groupe est mise en avant, tendent à encourager le conformisme, tandis que les cultures individualistes, qui valorisent l’initiative personnelle, le découragent.
- Sexe : Les femmes tendent légèrement à se conformer plus que les hommes.
Applications
- Gestion de groupe : Comprendre le conformisme permet de mettre en place des conditions favorables à des échanges fructueux et à l’innovation dans les groupes de travail.
- Prise de décision : Il est important de prendre en compte les influences du groupe pour éviter les erreurs de jugement et promouvoir la créativité.
Dans l’épisode 4, les joueurs décident de jouer au jeu du roi, et se mettent d’accord avec une pénalité si un des joueurs refuse de faire ce qu’il doit. On voit alors se dessiner la même expérience que celle de la prison de Stanford. Cette hiérarchie s’installe en fonction de ce que les joueurs gagnent, mais ce qui est considéré comme la norme change.
Le 7ème épisode est particulièrement fort graphiquement et montre que le sadisme et la souffrance ne sont plus un moyen mais une fin en soi. Les joueurs créent des règles qui peuvent contribuer à leur propre mal-être et souffrance.
Expériences de Groupe
Dans les expériences de groupe menées dans la série « The 8 show » on retrouve beaucoup de références visuelles, mais aussi des références dans la psychologie, l’étude du comportement des foules, et des individus sous la contrainte, ou la souffrance. Une belle référence a l’expérience de Milgram est également présente.
L’expérience de Milgram est une célèbre étude menée par le psychologue américain Stanley Milgram dans les années 1960. Elle visait à étudier le degré d’obéissance d’un individu face à une figure d’autorité, même si les ordres donnés entrent en conflit avec ses valeurs morales. Experience mise en pratique lors de l’experience de la prison de Stanford.
La prison de Stanford
L’expérience de la prison de Stanford, également connue sous le nom de l’effet Lucifer, est une célèbre étude de psychologie sociale menée par Philip Zimbardo en 1971. Elle visait à explorer les effets de l’enfermement carcéral sur les prisonniers et leurs geôliers. Points clés de cette expérience :
Contexte et Méthodologie
- Recrutement et Rôles : Vingt étudiants de l’Université de Stanford, sélectionnés parmi 75 candidatures, ont participé à cette expérience. Ils étaient divisés en deux groupes : dix prisonniers et dix gardiens. Les participants étaient choisis pour leur bonne santé physique et mentale, ainsi que pour leur absence de problèmes judiciaires.
- Simulation de la Prison : La simulation a eu lieu dans le sous-sol du bâtiment de psychologie de l’Université de Stanford. Les prisonniers portaient des blouses sans sous-vêtements et des chaînes aux pieds, tandis que les gardiens portaient des habits militaires et des lunettes de soleil. L’expérience était initialement prévue pour durer deux semaines.
Déroulement et Résultats
- Rapide détérioration : L’expérience a rapidement pris un tour inattendu. Les gardiens ont commencé à se comporter de manière autoritaire et humiliante envers les prisonniers, qui ont réagi en développant des états dépressifs et des comportements de rébellion. Les gardiens ont même utilisé des extincteurs pour maîtriser les prisonniers lors d’une révolte.
- Interruption Prématurée : L’expérience a été interrompue au sixième jour en raison de la détérioration rapide de la situation. Les prisonniers présentaient des symptômes de dépression et d’anxiété, tandis que les gardiens devenaient de plus en plus agressifs.
Critiques et Controverses
- Mensonges et Biais : Des critiques ont été émises contre Zimbardo pour avoir menti sur plusieurs aspects de l’expérience, notamment en affirmant que les gardiens avaient inventé leurs propres règles alors qu’ils avaient reçu des consignes précises. De plus, l’expérience n’a été menée qu’une seule fois, ce qui la rendait statistiquement non représentative.
- Acte Militant : Certains ont accusé Zimbardo d’avoir mené un acte militant plutôt qu’une étude scientifique, car il avait déjà une hypothèse préconçue sur l’influence de la situation sur les comportements individuels.
Dans l’épisode 4, les joueurs décident de jouer au jeu du roi et se mettent d’accord avec une pénalité si un des joueurs refuse ce qu’il doit faire. On voit alors se dessiner la même expérience que celle de la prison de Stanford.
L’experience de la prison de Stanford est particulièrement mise en pratique dans l’episode 5. Une hierarchie s’est installée en fonction de ce que les joueurs gagnent. Il n’y a plus d’égalité entre le statut de chaque participant. Si on met en parallèle la prison de Stanford et The 8 Show, alors les 4 étages les plus hauts sont les policiers, et les 4 plus bas les prisonnier contraints au travail forcé.
« Le plus infime des espoirs est capable de nous faire tenir. Se dire qu’aujourd’hui est meilleur qu’hier, que demain sera meilleur qu’aujourd’hui, et le simple fait de penser à un meilleur avenir suffit à nous faire avancer. » Voilà ce que se dit le personnage principal au cours de l’épisode 5. Mais ces pensées existaient déjà dans l’expérience de Stanford.
Différenciations sociales
Les épisodes 5 et 6 mettent en application une autre expérience de groupe expérimentée chez des rats, par Yann Lefranc. Une hiérarchie prend vite le dessus au sein d’un groupe. Chez les animaux le rôle est décider « Naturellement » alors que dans le groupe des joueur de la série les rôles se font en fonction des revenus par minute de chacun.
Le Pouvoir de l’Imaginaire
Dans l’épisode 6, le pouvoir de l’imaginaire est fort lorsqu’on a besoin de réconfort. Le premier étage nourrit l’imaginaire des autres participants en créant un plat de nouilles et un bouillon. Ce plat, bien qu’imaginaire, réconforte tout le monde et donne l’impression de nourrir non seulement le corps mais aussi le moral.
Conclusion et Fin de la Série
Dans l’épisode 8, on découvre que « The 8 Show » est devenu une série écrite par le septième étage. Cela justifie tous les choix visuels et même narratifs. Au début de la série, on se demande pourquoi ce choix de bourrer volontairement de références visuelles et graphiques au cinéma. La réponse nous est donnée à la fin : il s’agissait d’une expérience sociale qui a permis d’écrire la série. La fin laisse cependant planer un doute : est-ce que le septième étage est l’organisateur du show ou s’est-il simplement servi de son vécu pour écrire une histoire à succès ?
Perspectives d’Analyse
« The 8 Show » propose une réflexion sur les inégalités sociales et le pouvoir de l’argent, des thèmes récurrents dans les dramas coréens mais traités ici avec une profondeur et une originalité notables. Les références visuelles et narratives à des œuvres emblématiques telles que « Squid Game » et « Orange Mécanique » enrichissent l’expérience du spectateur, tout en mettant en lumière les dysfonctionnements et les dynamiques de pouvoir dans la société. Cette série est une illustration puissante de la manière dont les individus peuvent être influencés par leur environnement et leurs conditions économiques, et elle incite à une réflexion plus profonde sur notre propre société et sur les mécanismes qui y sont à l’œuvre.
étudiant en design graphique et design industriel, passionné par la Corée sur toutes ses formes. et nous vous faisons découvrir ce pays merveilleux et sa culture chaque semaine.