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Lorsque l’on parle d’imprimerie en Occident, le premier nom qui nous vient en tête, c’est celui de Johannes Gutenberg (1400-1468). Il s’est vu attribuer tous les mérites de l’impression. En 1454, Gutenberg va sortir la première Bible imprimée avec des caractères mobiles. Il est le fondateur largement reconnu d’une nouvelle technologie qui est en fait une importation de la part de l’homme d’un certain pays d’Asie. Aujourd’hui encore, à quelques perfectionnements, on se sert encore.
La méconnaissance qui a l’Occident sur l’Orient contribue toujours aujourd’hui à faire perdurer les grandes mythologies autour de Gutenberg. C’est sans doutes parce que son « invention » servira les intérêts de l’Église catholique et contribuera à l’expansion du christianisme et de ses idées qu’il doit rester considéré comme étant le primo inventeur de l’imprimerie.
Qu’est-ce que le Jikji ?
Que signifie Jikji (직지 ; hanja : 直指) ? Le nom vient du titre du premier livre coréen imprimé. Le titre complet est Baegun hwasang chorok buljo jikji simche yojeol (백운 화상 초록 불조 직지 심체 요절 ; 白雲和尙抄錄佛祖直指心體要節). En français, il a été traduit comme Anthologie des enseignements zen des grands prêtres bouddhistes.
Quand on parle Jikji, on dit souvent le Jikji. Cette formulation est surtout de l’ouvrage présent en France dans la Bibliothèque nationale. En fait, il n’en est rien, on devrait plutôt parler des Jikjis. Ce sont des ouvrages qui rassemblent, et c’est bien avant Gutenberg, les divers enseignements bouddhistes du maître Baegun (백운, 1298-1374). À noter que le maître Baegun représantait l’école du seon (선 ; 禪), donc l’équivalent coréen du chán (en chinois traditonnel : 禪) en Chine.
Quoi dans le Jikji ?
L’entité du Jikji se compose normalement en deux volumes. Le premier volume, imprimé au temple Heungdeoksa de Cheongju (청주 흥덕사지) par types métalliques mobiles est, quant à lui, perdu. Il nous reste de cet écrit le deuxième volume qui comporte 38 chapitres au total.
Le livre est une collection d’extraits des annales de sept bouddhas du passé, de 28 patriarches bouddhistes de l’Inde et de 110 maîtres zen (en vrai, le terme zen [en japonais : 禅] s’applique à l’équivalent du bouddhisme chán et seon au Japon) de Chine, louant la grâce de Bouddha sous forme de vers, strophes, hymnes, chants et écritures.
Un siècle avant, en Corée…
Quand on dit que la Corée est précurseur de la technologie d’impression à caractères moibles, les dates nous aident mieux à comprendre notre placement en tant qu’Occidentaux. Les dates sont impressionnantes au point de se demander comment on ne s’est pas rendu compte avant que Johannes Gutenberg n’est que la personne ayant permis la transmission d’un monde orientale à occidentale d’un formidable procédé d’impression et de transmission de la pensée.
En revanche, le Jikji n’est pas le premier ouvrage imprimé avec des caractères mobiles. Par contre, il est le premier à avoir été conservé. L’UNESCO a reconnu le Jikji comme la plus ancienne preuve de l’imprimerie à caractères mobiles en 2001. Selon Sophia Newman, le procédé d’impression avec des caractères mobiles remonterait à une invention chinoise du XIe siècle, adaptée et développée par la suite à partir des années 1230.
Le Jikji a commencé son impression en 1377. C’était 23 ans avant la naissance de Gutenberg, ce qui fait plus de 78 ans avant que l’homme ne puisse commencer à imprimer sa propre Bible.
Acquisition et conservation du Jikji
L’ouvrage si prisé est conservé dans la division des manuscrits orientaux de la Bibliothèque nationale de France. En revanche, son acquisition reste quelques fois contestée car le « droit de consultation » de l’œuvre physique reste très difficile pour la Corée.
C’est un diplomate français qui a acheté le deuxième volume du Jikji à Séoul vers la fin de la dynastie Joseon. Par la suite, il l’a emmené en France où il est toujours conservé à la Bibliothèque nationale de France à Paris.
Selon les registres officiels de l’UNESCO, le Jikji « faisait partie de la collection de Victor Collin de Plancy, chargé d’affaires à l’ambassade de France à Séoul en 1887, sous le règne du roi Kojong. Le livre passa ensuite entre les mains d’Henri Vever, collectionneur de classiques, lors d’une vente aux enchères à l’hôtel Drouot en 1911, et lorsqu’il mourut en 1950, il fut offert à la Bibliothèque Nationale de France, où il se trouve depuis. »
Victor Collin de Plancy
Et en effet, l’ouvrage a été acquis par Victor Collin de Plancy, alors premier consul de France en poste à Séoul à la fin de la dynastie Joseon. Le précieux ouvrage est tombé aux mains d’Henri Vever, un collectionneur et joaillier français, l’ayant acquis durant une vente aux enchères à l’hôtel Drouot en 1911. À sa mort en 1950, il fut offert à la Bibliothèque Nationale de France, où il se trouve jusqu’à présent.
Aujourd’hui, il nous reste 38 feuilles très précieuses du deuxième volume de fameux livre sacré. Vous pouvez toujours y accéder dans son intégralité dans la version numérisée et avec une très haute définition sur Gallica.
C’est en 1972 que l’ouvrage est exposé à Paris durant l’Année internationale du livre. C’était l’évènement organisé par la Bibliothèque nationale de France. C’est grâce à cet évènement que l’ouvrage va pour la première fois attirer l’attention du monde entier, avant de retomber petit à petit dans l’oubli.
Il ressortira de l’oubli des archives de la bibliothèque grâce aux recherches de la doctorante coréenne, Park Byung-sun (박병선 Bak Byeong-seon, 1927-2011), qui permit la redécouverte aux yeux du monde de l’ouvrage. Aujourd’hui, suite à son travail autour du Jikji, elle est considérée comme étant une figure très importante de l’héritage culturel coréen.
Une restitution ?
Il est infiniment difficile aujourd’hui pour quiconque, même en faisant la demande de pouvoir, accéder au Jikji. La Corée souhaite sa restitution ou du moins le droit de le consulter, qui n’est que très rarement, pour pas dire pas du tout accordé. L’étudiante française, Clara Dannepond, a plaidé en juillet 2019 pour la restitution de l’ouvrage à la Corée.
Régulièrement, la Corée du Sud fait des demandes pour lire et pouvoir étudier l’ouvrage, pouvoir recevoir un transfert de la part de la Bibliothèque nationale de France du Jikji. Cependant, le Jikji ne sera pas renvoyé en Corée car l’actuel propriétaire et conservateur de l’œuvre aurait trop peur qu’elle ne revienne plus jamais en France.
Impression du Jikji
C’est à partir des années 1200 et durant la dynastie Goryeo (고려) qu’en Asie et en Corée les techniques d’impression se sont modernisées. Un imprimeur du nom de Choe Yun-ui (최윤의), fonctionnaire de la dynastie Goryeo dans le territoire de l’actuelle Corée, avait pour charge la transposition de gravure sur bois d’une importante collection, appelée Tipitaka, titre des textes du canon bouddhique dans la langue pali, des ouvrages massivement brulés lors des invasions mongoles.
Pour parvenir à la restauration de ces textes, l’imprimeur procéda à la fabrication de caractères indépendants, isolés en métal. Le tout rangé dans ce qui peut s’apparenter aux tiroirs à casse des imprimeurs d’il y a quelques années. Cette restauration de 1250 se produit donc presque 200 ans avant que l’Allemand Johannaes Gutenberg ne réinvente pour l’Occident le fameux système d’impression.
Sources
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étudiant en design graphique et design industriel, passionné par la Corée sur toutes ses formes. et nous vous faisons découvrir ce pays merveilleux et sa culture chaque semaine.
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