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L’art contemporain, quoi de plus évident comme sujet à aborder dans une discussion aujourd’hui. Dans un monde où le marché de l’art a réussi à redéfinir notre façon de « créer » de l’art, est-ce vraiment de la création artistique lorsque Damien Hirst pause des gélules sur des lamelles de verre et nome cela « armoire à pharmacie » ? Ces « démarches artistiques » sont aujourd’hui conçues pour répondre à la demande de ce qu’on appelle le marché de l’art. Le marché de l’art a pour but de créer de la valeur sans fabriquer de la richesse. Et pour créer un marché de l’art, il faut avoir de l’art à profusion, une forte demande et un organisme qui valide et certifie la valeur de l’œuvre. Serait-ce possible dans le cas de… la Corée du Nord et l’art de ce pays ?
Pour satisfaire ce marché international, aujourd’hui, dans la majore partie des pays occidentaux, nous avons désiré de nous passer du travail manuel de l’art, c’est-à-dire de concevoir un mobilier, une sculpture dans laquelle il suffit d’assembler plus de deux éléments, les superposer ou les coller. Cette pratique est beaucoup moins, voire pas du tout rependu en Corée du Nord et dans leur « art contemporain ».
La définition de l’art en Corée du Nord
Quand on pense « art en Corée du Nord », on pense pratiquement instantanément à l’art de propagande, les éventuelles dérives qu’il peut y avoir, ou que l’on peut s’imaginer. Il ne faut pas oublier que, contrairement à l’Occident où l’art répond au marché de l’art, en Corée du Nord l’art est au centre de l’organisation de la cité, et l’artiste est une figure très importante dans le paysage culturel nord-coréen. L’art est au service de l’idéologie du pays et sert à véhiculer de fortes valeurs. On ne trouve pas dans l’art coréens d’art moderne ou encore d’Avant garde.
D’après les sources nord-coréennes, « les beaux-arts coréens donnant une preuve d’être des beaux-arts révolutionnaires avec une richesse des éléments nationaux, fleurissent avec éclat et ils gardent les qualités de la peinture coréenne traditionnelle, la puissance, le raffinement et la noblesse (…). » (Vishwanath, 1978, p. 43) Ensuite, « la Corée hérite d’une longue tradition des beaux-arts qui, à partir de la libération, s’adaptent aux demandes de la révolution et la construction. De peintures excellentes présentent une lutte héroïque du peuple contre les agresseur impérialistes américains. » (Vishwanath, 1978, p. 43) À l’exception de la langue politiquement engagée, l’art nord-coréen reconnaît l’importance des traditions artistiques de la péninsule.
L’Atelier Mansudae
En Corée du Nord, on peut visiter divers lieux, bâtiments et endroits. L’un de ces endroits est fortement orienté vers l’art et la création. Il s’agit des Ateliers Mansudae (만수대창작사 Mansudae ch’angjaksa), aussi appeler Mansudae Art Studio, une grande cité des arts, située à Pyongyang dans l’arrondissement de P’yŏngch’ŏn. La citée fut fondée en 1959.
En Corée du Nord, les artistes sont classés par l’État avec le plus haut label étant décerné aux « Artistes du peuple » comme Jung Chang-mo (중창모) et Son U-yong (손우용).
Sujets abordés par les ateliers d’artistes nord-coréens Mansudae
La dynastie
Dans les ateliers nord-coréens Mansudae, plusieurs sujets sont abordés par les artistes dans les ateliers. Les sujets les plus représentés et les plus importants, concerne les bienveillants leaders : affectueux Kim Jong-il, son fils Kim Il-sung et dans un futur, son petit-fils Kim Jong-un. En effet, un leader au pouvoir, n’est jamais représenté dans les propagandes, que ce soit en peinture, sculpture, mosaïque ou fresques.
Fresque dans l’hôtel Chongchon, près du mont Myohyang
Combattants révolutionnaires antijaponais
Sujet au combien important dans le messages de propagandes, que celui des révolutionnaires antijaponais de la guerre de Corée. Car le premier combattant avant combattu au côté de « celui qui a su unir le peuple coréens contre l’envahisseur japonais ».
Les courageux travailleurs luttant vigoureusement pour la prospérité de la patrie socialiste établie par le camarade Kim Il-sung
En Corée du Nord, il est très important de mettre en valeur chaque classe de travailleurs, même si on peut difficilement parler de classe sociale, car celle-ci est régie par le songbun. Cela permet entre autre de galvaniser, encourager, et faire en sorte que personne ne se sente exclu des discours et des représentations. C’est une façon qui permet de prendre tout le monde en considération.
La vie quotidienne du peuple
Et enfin, les peintures les plus connues juste après les peinture de propagande, c’est bien évidement les paysages de montagne et d’eau comme… dans la peinture coréenne traditionnelle.
Les paysages de montagne et d’eau
Chosŏnhwa
Le chosŏnhwa* (조선화, littéralement « la peinture de Chosŏn ») est un terme qui désigne toute la peinture nord-coréenne. Il est une fusion particulière des traditions chinoises et coréennes au sein de la technique et des genres (par exemple, la peinture à l’encre et les paysages de montagne), de l’art occidental moderne et de l’art soviétique. À noter que meme l’art engagé, politiquement et économiquement, reste toujours enraciné dans son contexte culturel local (d’ailleurs, c’est pourquoi le communisme nord-coréen se différencie des modèles russe, chinois ou vietnamien).
Les sujets abordés par l’atelier Mansudae, présentés dans les paragraphes précédents (donc la dynastie, les combattants révolutionnaires, les courageux travailleurs, la vie quotidienne du peuple, les paysages de montagne et d’eau), correspondent avec les genres artistiques principaux dans la peinture occidentale comme le portrait, la scène batalistique, la scène de genre et le paysage.
Soutien au front du peuple de Kosong, Chung Chong-yu (충총유), 1958, Galerie d’art coréen de Pyongyang. C’est une scène batalistique (elle ne représente pas une bataille mais elle reste dans le contexte batalistique), inspirée par la peinture à l’encre. En plus, le style du bœuf et du cheval ressemble à celui de la peinture chinoise classique. Les cinq bœufs (« 五牛图 » Wǔniútú), Han Huang (韩滉), dynastie Tang (618–907), Chine
Mun Beom-gang (문범강), professeur sud-coréen de Georgetown University de Washington, est l’auteur d’un livre Qu’est-ce que l’art de Pyongyang – la peinture nord-coréenne ? (« 평양미술 조선화 너는 누구냐 » Pyeongyangmisul joseonhwa neoneun nugunya, 2018) où il explique pourquoi le chosŏnhwa est le cœur de l’art nord-coréen et comment comprendre sa spécificité. (Chung, Song, 2018) Cette publication unique avec sa réédition anglaise North Korean Art: The Enigmatic World of Chosonhwa (L’art nord-coréen : l’univers énigmatique du chosonhwa) de 2019 est un résultat de nombreux voyages de Mun Beom-gang à Pyongyang où il a visité plusieurs musées et galeries d’art, le fameux atelier Mansudae, lui-inclus.
Mun Beom-gang à la promotion de son livre Qu’est-ce que l’art de Pyongyang – la peinture nord-coréenne ? (« 평양미술 조선화 너는 누구냐 » Pyeongyangmisul joseonhwa neoneun nugunya, 2018) le 13 mars 2018 à Séoul La couverture du livre Qu’est-ce que l’art de Pyongyang – la peinture nord-coréenne ? (« 평양미술 조선화 너는 누구냐 » Pyeongyangmisul joseonhwa neoneun nugunya, 2018) de Mun Beom-gang
La Corée du Nord et l’art contemporain
Addenda
*D’habitude, on utilise la romanisation révisée du coréen pour transcrire les noms propres et les termes coréens. Cependant, cette romanisation est un invention sud-coréenne et elle ne s’applique dans le cas nord-coréen. Les Nord-Coréens utilisent la romanisation McCune-Reischauer ou leur propre variante de transcription.
Bibliographie
- Chung Jae-suk, Song Laura (2018). A professor finds the artistry in North Korean propaganda. In: Korea JoonAng Daily, 30.03.2018
- Vishwanath (1978). The Sun Inspires. In: (1978) Korea Promotes Revolution and Construction (Foreigners’ Travelogues). Pyongyang: Foreign Languages Publishing House, p. 1-52.
Illustrations
- Image liminaire : Bras de sécurité (en anglais : After Securing Arms, 1968), Cho Chongman (조종만, romanisation révisée : Jo Jongman), Musee National d’art de Choson, Pyongyang, Corée du Nord
- ill. 1. Utopia, Damien Hirst, 2012
étudiant en design graphique et design industriel, passionné par la Corée sur toutes ses formes. et nous vous faisons découvrir ce pays merveilleux et sa culture chaque semaine.
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