Sommaire
Chaque culture possède un ensemble de croyances, pratiques et objets dont le but est d’apporter la bonne fortune et chasser le malheur. Cela peut être défini comme la culture de bonne chance qui varie selon les régions et les époques. En Corée, comme dans d’autres pays confucéens, il existe de nombreuses traditions qui forment la culture de bonne chance coréenne depuis des siècles.
Les caractères auspicieux
Même si les Coréens n’utilisent plus le hanja (hangeul : 한자 ; hanja : 漢字) pour écrire, les caractères chinois font toujours partie importante de la culture coréenne, surtout celle de bonne chance. On distingue les caractères auspicieux qui sont considérés comme des porte-bonheurs graphiques. Il s’agit, entre autres, des sinogrammes tels que 福 (en mandarin : fú), 壽 (shòu) et 囍 (xǐ), où chacun dénote un autre aspect du bonheur.
Bok, l’entité de la bonne chance
Le bok (복 ; hanja : 福) désigne l’entité de la bonne chance. Il vient de la culture chinoise où il porte le même sens (福 fú) et où il apparaît souvent lors des célébrations du Nouvel An chinois. D’habitude, on le traduit comme « la bonne chance » en français et « good luck » en anglais.
En Corée, à l’occasion du Seollal (설날), on souhaite : « 새해 복 많이 받으세요! (Sehae bok mani bateu seyo!) » ce qui peut être traduit comme : « Recevez beaucoup de bonne chance pour le nouvel an, (s’il vous plaît) ! ». Ces vœux sont habituellement accompagnés par le caractère 福, parfois dans la version stylisée.
Obok, cinq bénédictions
L’obok (오복 ; 五福) signifie littéralement « cinq bénédictions ». Il est un équivalent coréen du modèle chinois, wǔfú (五福), d’après lequel un être humain peut obtenir cinq bénédictions dans la vie (à noter que les interprétations des lettrés chinois changèrent selon les époques et les tendances philosophiques) :
- 1. la réputation et la carrière professionnelle (祿 / 攸好德) ; en coréen : yuhodeok (유호덕 ; 攸好德)
- 2. la richesse (富) ; en coréen : bu (부 ; 富)
- 3. la longévité (壽) ; en coréen : su (수 ; 壽)
- 4. la bonne santé (康寧) ; en coréen : gangryeong (강령 ; 康寧)
- 5. la mort paisible et digne (考終命) ; en coréen : gojongmyeong (고종명 ; 考終命).
En Corée, l’obok, conformément au wǔfú associé avec le wǔxíng (五行) en Chine, donc concept cosmologique chinois de cinq éléments (feu, eau, bois, métal et terre), fait référence à l’ohaeng (오행 ; 五行). Dans l’iconographie, il est représenté traditionnellement par cinq chauves-souris, les animaux qui symbolisent la bonne chance.
Su, la longévité
Le caractère 壽 (수 su), déjà présenté dans cet article, signifie la longévité et apparaît sur les objets en tant que caractère auspicieux et élément décoratif les deux.
Hui, double bonheur
Le hui ou ssang hui (희 / 쌍희 ; 囍) dénote soi-disant « double bonheur » parce qu’il est une version doublée du caractère 喜 qui signifie l’affection, l’amour, des choses ou expériences joyeuses et agréables. Traditionnellement, il fut utilisé dans les décorations à l’occasion de la cérémonie de mariage.
Dix symboles de la longévité
Dans la culture coréenne traditionnelle, on distingue un groupe de dix symboles de la longévité qui s’appelle sipjangsaeng (십장생 ; 十長生). Ils sont présentés soit tous ensemble, soit séparément en fonction des goûts et besoins de l’époque. Ce sont : la grue, le cerf, la tortue, le soleil, le pin, les montagnes, les nuages, les champignons de l’immortalité bullocho (불로초 ; 不老草), les roches et l’eau. Dans la minhwa (민화 ; hanja : 民畵), peinture folklorique coréenne, il existe un genre spécial, sipjangsaengdo (십장생도 ; 十長生圖), dédié précisément à ces symboles-là.
Grue
Les grues vivent longtemps et elles sont fidèles en couple. En conséquence, la grue symbolise la longévité ainsi que l’harmonie conjugale.
Cerf
Le cerf est considéré comme noble et capable de trouver les champignons de l’immortalité. Il dénote aussi des éléments bouddhistes.
Tortue
Les tortues vivent longtemps et leur carapace symbolise la force et résistance aux difficultés. La tortue noire, hyeonmu (현무 ; 玄武), est aussi l’un des quatre gardiens de la Corée.
Soleil
Le soleil est l’un des symboles les plus universels. De cultes solaires variés existèrent dans la plupart des civilisations et des cultures. Dans l’ancienne Corée, le soleil signifia la continuité de la vie parce qu’il se lève tous les jours. Il symbolisa aussi l’autorité royale et, en combinaison avec la lune, il désigna deux catégories complémentaires issues de la tradition chinoise, yīn (陰) et yáng (陽), connues en coréen sous les noms d’eum (음) et yang (양).
Pin
Le pin est un arbre à feuilles persistantes, il reste vert toute l’année, même lors des hivers rigoureux. En conséquence, il symbolise aussi l’endurance, la résistance et la capacité de confronter l’adversité. Dans la civilisation confucéenne, le pin avec le bambou et le prunier sont appelés ensemble « les trois amis de l’hiver » car ils sont tous des plantes fortes et résistantes aux conditions difficiles.
Montagnes
Quelles que soient les circonstances, les montagnes gardent leur forme inchangée. Elles renvoient aussi à l’univers de la spiritualité taoïste et bouddhiste.
Nuages
Les nuages apportent la pluie qui est essentielle pour toute la nature ainsi qu’ils symbolisent l’énergie vitale venant de la tradition chinoise, qì (氣), qui porte le nom ki (기) en coréen.
Bullocho, champignons de l’immortalité
Les champignons de l’immortalité ont été issus de la tradition chinoise. Ils sont appelés parfois en coréen bullocho (불로초 ; 不老草). De fait, il s’agit des champignons du groupe de Ganoderma qui furent utilisés dans la médecine traditionnelle. D’après les croyances folkloriques, leur consommation garantit la bonne santé et sur le plan mythologique, la vie éternelle.
Roches
Les cailloux ou des petits morceaux de roches, ce sont des montagnes dans un micro-univers. Ils symbolisent la longévité, la stabilité et la résistance.
Eau
L’eau est l’un des symboles de la longévité les plus universels. L’eau garantit la vie au sens propre et figuré.
Tigre
Le tigre joue un rôle très important dans la culture coréenne. Historiquement, il fut un animal propre à l’écosystème sur la péninsule. Il symbolisa aussi la force physique et il protégea contre le mauvais sort. Le tigre blanc, baekho (백호 ; 白虎), pareil que la tortue noire, est l’un de quatre gardiens de la Corée.
Dragon
Le dragon est un animal caractéristique et important dans tous les pays confucéens. Dans l’ancienne Corée, il symbolisa l’autorité royale mais aussi il protégea le peuple. Le dragon bleu, cheongryong (청룡 ; 靑龍), pareil que la tortue noire et le tigre blanc, est l’un de quatre gardiens de la Corée.
Phœnix
Le phœnix est un oiseau mythique, pareil que le dragon, caractéristique et important dans tous les pays confucéens. En Corée, il fut associé aux grâces de la reine, mais il fonctionna aussi en tant que son protecteur. Le phœnix rouge, jujak (주작 ; 朱雀), semblablement aux tortue noire, tigre blanc et dragon bleu, est l’un de quatre gardiens de la Corée.
Sehwa, peinture de Nouvel An
Les sehwa (세화 ; 歲畵), ce sont les peintures effectuées pour le Nouvel An. À l’epoque, les Coréens crurent que ces images chassaient les mauvais esprits et attiraient la prospérité. Les sehwa furent offerts comme cadeaux le jour du Nouvel An.
Parmi les sehwa, on trouve un sous-genre munbae (문배 ; 門排). C’est une peinture collée sur la porte d’entrée.
Amulettes
Dans la culture coréenne, il existe plusieurs types d’amulettes, talismans ou d’autres objets « fabriqués selon les règles de la magie, de l’astrologie, réputé prophylactique et bénéfique ». (Larousse, 2021)
Norigae, pendentif féminin
L’un des plus connus est le norigae (노리개), pendentif accroché au vêtement féminin traditionnel. C’est une amulette décorative, portée par les femmes dans l’ancienne Corée. Les gens crurent qu’il attirait la longévité mais aussi il stimulait la fertilité.
Yeolswipae, garantir la prospérité
Quant au yeolswipae (열쇠패 ; 牌), c’est un talisman fabriqué en métal, en de pièces de monnaie, utilisé par les familles nobles pour protéger leur richesse et pour garantir la prospérité dans l’avenir. Il fut décoré avec les caractères auspicieux ou d’autres symboles de bonne chance. D’habitude, il fut porté avec les clés.
Bokjumeoni, pochette porte-bonheur
Le bokjumeoni (복주머니 ; 福囊) est une pochette porte-bonheur en tissu traditionnelle féminine. D’habitude, il fut ornée avec les caractères auspicieux mais aussi avec les images des chauves-souris ou les fleurs.
Bujeok, protéger ou… maudire
Cependant, on trouve aussi un talisman plus particulière, le bujeok (부적 ; 符籍). C’est un genre d’amulettes peintes, liées aux traditions taoïste et chamanique, qui pouvaient apporter de la bienveillance ou… du malheur. Cette deuxième fonction servit à lancer un sort sur un ennemi.
Saekdong, multicolore tissu
Le saekdong (색동; 色動) est une composition de plusieurs couleurs en tissu, appelée parfois « l’arc-en-ciel ». Dans l’ancienne Corée, elle décora la tenue pour les enfants, le saekdongot (색동옷 ; 色動옷), mais aujourd’hui elle est utilisée aussi pour fabriquer les souvenirs et d’autres objets dans le style traditionnel. D’après la tradition, le tissu rayé saekdong attira la bonne fortune.
Soudoyer un dokkaebi
Dans les croyances folkloriques coréennes, les dokkaebi (도깨비 ; 魎) sont des êtres comparables aux lutins ou aux goblins en Occident. Ils ressemblent également à des petits démons ou diables en fonction de la région ainsi que de la situation. Ils aiment bien faire des plaisanteries et l’une des façons de les dompter est de leur offrir un un bon repas nutritif. En général, il faut être gentil avec eux et pour éviter leur visite la prochaine fois, il suffit de mettre leur image quelque part sur la façade ou les murs de la maison. On pourrait dire qu’il faut les soudoyer pour garantir leurs faveurs.
À rappeler le roman de Hwang Sok-yeong (황석영) Toutes les choses de notre vie (낯익은 세상 Natikeun sesang, 2011 ; édition française 2018), où le Pelé (l’un des protagonistes), soudoie la famille des Kim en leur offrant de la nourriture. La famille des Kim a été présentée dans le roman comme les dokkaebi, mais ils peuvent être également interprétés comme les gwisin (귀신 ; 鬼神).
Bibliographie
- (2021) Larousse – Dictionnaire de la langue française
Illustrations
- Image liminaire : Un sachet en tissu saekdong (색동). Photo : Maria Anna Dudek
- ill. 1. Un exemple de décorations chinoises contemporaines pour le Nouvel An : d’habitude, le caractère 福 est collé (parfois à l’envers) sur la porte d’entrée pour garantir la (re)venue du bonheur.
- ill. 2. Une image coréenne diffusée à l’occasion du Seollal : les vœux ont été écrit en hangeul à l’exception du mot bok (복) qui a été remplacé par sa version en hanja.
- ill. 3. . Une image coréenne diffusée à l’occasion du Seollal par le ministère des Affaires étrangères de la République de Corée : au-dessous les vœux écrits en hangeul, on voit un bokjumeoni (복주머니 ; 福囊), pochette porte-bonheur en tissu traditionnelle, ornée avec le caractère 福.
- ill. 4. La représentation traditionnelle de l’obok : cinq chauves-souris entourent le caractère 壽 (la longévité) stylisé. On le retrouve dans l’iconographie chinoise et coréenne.
- ill. 5. Chaekgeori, Lee Ki Soon, 2015, pigment oriental sur papier coréen, paravent huit panneaux (107 x 37 cm chacun) : une partie avec le caractère 寿. Photo : Maria Anna Dudek
- ill. 6. Une natte traditionnelle coréenne, hwamunseok (화문석), ornée avec le caractère 囍
- ill. 7. Un exemple de sipjangsaengdo contemporain, Om Jae-gwon (엄재권)
- ill. 8. Un tigre dans la peinture minhwa, genre de janghodo (작호도 ; 鵲虎圖) où il apparaît avec une ou plusieurs pies, fin du XIXème siècle.
- ill. 9. Un exemple de munbae dans le village folklorique coréen de Yongin (한국민속촌 Hanguk minsok chon)
- ill. 10. Un norigae avec un morceau de corail rouge qui symbolise la longévité et dans le cas des femmes, la fertilité, XIXème siècle
- ill. 11. Un exemple de yeolswipae, XIXème siècle (?)
- ill. 12. Un bokjumeoni traditionnel en soie, XIXème siècle (?)
- ill. 13. Un bujeok traditionnel, XIXème siècle (?)
- ill. 14. Des rouleaux de tissu saekdong contemporains
Née en 1993, Polonaise. Diplômée d'une licence en cultures d'Extrême-Orient (Université Jagellon de Cracovie - Pologne, 2012-2015) et d'un master en Arts Libéraux (Université de Varsovie - Pologne, 2016-2018). Étudiante en master à la Faculté des Études Asiatiques à l'Université Jagellon de Cracovie depuis 2021. Fascinée par la civilisation confucéenne et par les interactions interculturelles. Collaboratrice avec Planète Corée depuis 2018.
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