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Les épidémies, les pandémies… Rien de plus actuel en ce moment – La Peste d’Albert Camus a été « mise à jour »… Il est indéniable que c’est une expérience difficile, voire tragique pour la plupart des gens. Mais est-ce la première crise sanitaire dans l’histoire de l’humanité ? Même l’ancienne Corée fit face aux problèmes des maladies et des grosses pertes de population. Vu la situation actuelle, nous vous proposons une introduction courte aux épidémies dans l’histoire et la culture coréenne.
Histoire
À l’époque pré-moderne, la lutte contre n’importe quelle maladie fut un grand défi pour un souverain et les autorités locales. De fait, que chaque pays ou chaque région et chaque culture a expérimenté une épidémie au moins une fois dans son histoire. Dans la chronologie de la Corée, on peut distinguer cinq épisodes épidemiques importants : au XVIIIème siècle la rougeole, au XIXème le choléra, au XXème la grippe espagnole, et au XXIème le SRAS (2003) et le Covid-19 (à partir de 2020). Il paraît qu’une crise sanitaire affecta la Corée chaque cent ans ces derniers siècles. À ne pas oublier des « demi-épidémies » qui revenait entre temps comme celle du choléra dans les années 1960.
Avant l’époque de Joseon
Il existe relativement peu de données sur l’histoire des épidémies dans les périodes précédentes, ceci dit avant l’époque de Joseon. Cependant, l’histoire de la médicine a été suffisamment bien reconstruite. À l’époque de Goryeo (918-1392), le hyangyak (향약 ; 鄉藥 – à ne pas confondre avec un autre hyangyak, mais écrit différemment en hanja [鄕約], qui désigne un genre de contrat pour une position publique), un mélange d’herbes médicaux spécial, donna son nom à toute la pratique médicale pour les périodes postérieures. (Kang, 2011, p. 35)
L’époque de Joseon
L’époque de Joseon expérimenta les épidémies de rougeole et de choléra ainsi que de variole avec ses sous-types. La première a été profondément analysée grâce aux textes historiques : « les instructions du roi Jeongjo [정조 ; 正祖, 1752-1800 – M.A.D.] et leur implémentation par des autorités variées peut être reconstruite selon Les Annales du roi Jeongjo (정조실록 ; 正祖實錄 Jeongjosillok) et Le Journal des réflexions quotidiennes (일성녹 ; 日省錄 Ilseongnok) qui sont des registres quotidiens assez détaillés. » (Shin, 2014, p. 92) Par exemple, « dans sa politique [du roi Jeongjo – M.A.D.] face aux perturbations, le roi associe des rituels aux dieux tutélaires et aux génies des léaux. Mais il ne se contente pas de ranimer la ferveur religieuse, il instaure un programme de collecte de recettes utilisées contre la maladie des enfants dans le pays, et décrète la constitution d’un dépôt de remèdes à distribuer à la population. » (Moulin, 2014, p. 234) Cela montre que les methodés religieuses et empiriques furent appliquées les deux.
Au XIXème siècle, le choléra attaqua la Corée : « comme un voleur dans la nuit, le choléra traversa discrètement le fleuve Yalu dans le port de Wiju pour arriver en Corée au début septembre 1821. C’était la première pandémie de choléra, qui s’était apparue en Inde en 1817 et ensuite, elle vint en Chine où elle causa la mort de milliers ou même de millions de gens. L’isolation que la Corée avait mise en œuvre ne fut pas une protection suffisante contre la maladie. » (Neff, 2016)
L’arrivée du choléra « resta relativement inaperçue jusqu’au moment quand les gens ont commencé à mourir à cause de la déshydratation sévère, provoquée par une forte diarrhée. La douleur était atroce et certaines personnes dirent qu’elles se sentaient comme si les rats rongeaient leur estomacs. La mort au hoyeolja [호열자 ; en hanja : 虎列刺 – M.A.D.], nom de la maladie qui fait sentir comme si le malade était déchiré par un tigre, fut tellement douloureuse. » (Neff, 2016)
L’épidémie dévasta tout le pays : la population tomba soudainement (quand elle fut estimée à 7,6 millions de gens en 1807, elle s’est réduite uniquement à 6,6 millions en 1835) et ceux qui ont survécu, souffraient de la faim. Finalement, grâce au refroidissement du temps, la propagation du choléra s’est arrêtée. D’après les statistiques, 200 000 Coréens sont morts ce qui était une perte signifiante dans la sitation démographique à l’époque, à ne pas mentionner une perte morale. (Neff, 2019)
La modernité et aujourd’hui
De 1918 à 1921, la Corée ne souffra pas uniquement à cause de l’occupation japonaise mais aussi de l’épidémie de grippe espagnole (la fameuse pandémie grippale de l’année 1918 dans l’histoire mondiale). Les symptômes étaient semblables à ceux du Covid-19, surtout la fièvre et l’affaiblissement des défenses immunitaires. Les Japonais, malgré leurs mesures sanitaires rigides, appliquées déjà à cette époque-là, n’ont pas réussi à arrêter immédiatement la propagation du virus. La lutte contre la maladie durait trois ans.
La crise militaire de 1950-1953, c’est-à-dire la guerre de Corée, a produit une crise sanitaire qui, à son tour, durait jusqu’aux les années 1970 en Corée du Sud.*
En mai 2003, l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) a affecté toute la région d’Extrême-Orient. Ensuite, en hiver 2019, l’opinion publique internationale observait très attentivement la situation à Wuhan et d’autres villes chinoises au champ de bataille sanitaire. Cette fois-ci, l’épidemié s’est progapagé à tous les continents pour se transformer en une vrai pandémie qui dure jusqu’à présent.
ill. 4. Une affiche japonaise qui conseille de porter des masques pendant l’épidémie de la grippe espagnole, entre 1912 et 1926 ill. 5. Une photo prise pendant la pandémie de Covid-19, mai 2020, Corée du Sud
Culture
Le fameux film Dernier train pour Busan (« 부산행 » Busanhaeng, 2016) de Yeon Sang-ho (연상호) présente « une épidémie des zombies » ce qui ressemble au film Je suis une légende (I Am Legend, 2012) de Francis Lawrence et aussi à une série sud-coréenne Kingdom (« 킹덤 » Kingdeom, 2019). Cependant, ce n’est qu’une métaphore car « en imaginant son pays envahi par une horde de créatures rendues folles par une catastrophe chimique, le cinéaste aborde le film de zombies dans un mélange de sérieux et d’ironie extrêmement réjouissant. » (Malausa, 2016) La « dimension politique est affirmée par le ton satirique du film. Les zombies – sortes de désespérés et de naufragés de la crise économique et du capitalisme sauvage qui sévit en Corée – mettent en lumière les dissensions entre les « vivants », qui dans les rames du train se divisent en castes sociales et en produits d’une société malade. » (Malausa, 2016)
Le motif d’épidémie moins fantastique apparaît dans un drama Haechi (« 해치 » Haechi, 2019) dans les épisodes 19-21, où il est mélangé avec un jeu politque sous le règne du roi Yeongjo (영조 ; 英祖, 1694-1776). Cela peut être une référence indirecte à l’entité d’épidémies à l’époque de Joseon.
ill. 6. Une scène du film Dernier train à Busan (« 부산행 » Busanhaeng, 2016) ill. 7. Une scène du drama Haechi (« 해치 » Haechi, 2019) avec le camp d’internement pour les malades, épisode 19
La crise comme opportunité ?
D’habitude, la crise est un terme associé aux processus négatifs ou indésirables. Les individus souffrent des crises psychiques ou d’identité ; les groupes ou les sociétés entières, des crises économiques etc. Récemment, tout le monde fait face à encore une autre crise – la pandémie de Covid-19.
Le mot « crise » vient de la langue grecque (κρίσις krísis) et désigne une « décision » ou une « réflexion » mise en œuvre dans le contexte de la lutte où il faut appliquer une solution sous pression temporelle.
Il est indéniable que la crise apporte toujours des victimes. Cependant, elle fonctionne aussi en tant qu’alarme, signal avertissant d’un danger. Elle annonce qu’il existe un problème sérieux dans la culture et d’autres aspects de la vie humaine ; qu’il faut changer quelque chose avant que le système tombe et provoque encore plus de victimes et de pertes matérielles ainsi que spirituelles.
Reinhart Koselleck (1923-2006), historien allemand, fut l’un des premiers qui analysèrent la crise au sein des lettres et sciences humaines. Selon lui, la crise est un élément immanent de la culture et de toute la civilisation. Elle a la même fonction que la douleur dans le corps : elle signalise que l’organisme ne va pas bien. En conséquence, la crise provoque un tournant culturel, social et économique. Par exemple, la Révolution française (1789-1794/1799) fut une crise en France de l’ancien régime qui apporta certains changements importants pour toute l’Europe. Koselleck souligna également qu’une crise économique était toujours un résultat d’une crise dans la culture.
Évidemment, l’épidémie ou la pandémie est un autre genre de crise que celui politique, social, économique et culturel. Elle est comparable plutôt avec les catastrophes naturelles. Cependant, elle influence tous ces domaines-là ce que nous connaissons très bien depuis plus d’un an maintenant…
Addenda
*Pour parler de la situation sanitaire en Corée du Nord à l’époque et aujourd’hui, il faudrait présenter plus précisement le contexte économique et sociale de ce pays. Une autre question est l’accès aux statistiques fiables.
Bibliographie
- Kang Yeonseok (2011). The Characteristics of Korean Medicine Based on Time Classification. In: (2011) China Perspectives: Chinese Medicine: The Global Influence of an Evolving Heritage, no. 3, p. 33-41.
- Malausa Vincent (2016). « Dernier train pour Busan » : cinq raisons d’aller voir ce tableau cinglant de la Corée. En : L’OBS, 20.08.2016
- Moulin Anne-Marie (2014). Quand la terre s’arrondit. L’horizon convergent des épidémies d’Orient et d’Occident. En : (2014) Penser les épidémies depuis la Chine, le Japon et la Corée, no. 37, p. 233-240.
- Neff Robert (2016). First cholera pandemic devastated Korea in 1821. In: The Korea Times, 9.09.2016
- Shin Dongwon (2014). Measures against Epidemics during Late 18th Century Korea: Reformation or Restoration? En : (2014) Penser les épidémies depuis la Chine, le Japon et la Corée, no. 37, p. 91-110.
Illustrations
- Image liminaire : Les bouddhistes portent des masques pendant les célébrations de l’anniversaire de Bouddha au temple Jogyesa à Séoul, le 30 avril 2020.
- ill. 1. Une photo des patients traités contre le choléra à Busan, le 24 septembre 1963
- ill. 2. Un livre sous le titre Les conseils pour prévenir le choléra (« 虎列刺病預防注意書 » / « 호열자병예방주의서 » Hoyeoljabyeong yebang juuiseo, 1902), l’auteur inconnu
- ill.3. Un livre sud-coréen contemporain sous le titre L’attaque du choléra à l’époque de Joseon (« 호열자 조선을 습격하다 » Hoyeolja joseoneul seupgyeokada, 2004) de Sin Dong-won (신동원), traitant de l’épidémie du choléra au XIXème siècle en Corée
- ill. 4. Une affiche japonaise qui conseille de porter des masques pendant l’épidémie de la grippe espagnole, entre 1912 et 1926
- ill. 5. Une photo prise pendant la pandémie de Covid-19, mai 2020, Corée du Sud
- ill. 6. Une scène du film Dernier train à Busan (« 부산행 » Busanhaeng, 2016)
- ill. 7. Une scène du drama Haechi (« 해치 » Haechi, 2019) avec le camp d’internement pour les malades, épisode 19
Née en 1993, Polonaise. Diplômée d'une licence en cultures d'Extrême-Orient (Université Jagellon de Cracovie - Pologne, 2012-2015) et d'un master en Arts Libéraux (Université de Varsovie - Pologne, 2016-2018). Étudiante en master à la Faculté des Études Asiatiques à l'Université Jagellon de Cracovie depuis 2021. Fascinée par la civilisation confucéenne et par les interactions interculturelles. Collaboratrice avec Planète Corée depuis 2018.
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